Pourtant favorable au cannabis thérapeutique, Nicolas Authier (spécialiste en pharmacologie et addiction au CHU de Clermont-Ferrand /voir 17 mai 2021 et 12 juillet 2019) met en garde les utilisateurs contre le CBD … dont la réglementation ne devrait pas tarder à être promulguée (voir 22 juillet). Interview, plutôt polémique, dans La Montagne du 20 octobre.
Que pensez-vous de cet essor des boutiques de CBD ?
Nicolas Authier : « C’est un nouveau marché que l’on n’a pas réglementé. C’est un effet de mode mais surtout un énorme business qui explose depuis 2021. Ce marché doit être régulé. Il faut l’accompagner. L’intérêt doit être le consommateur pour lui garantir une qualité de produit, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. »
On vous sent agacé ?
N. A. : « Oui, je suis contre le cannabusiness sur le dos des patients. Je ne suis ni pour ni contre les boutiques, mais il faut un cadre rigoureux. Ce genre de commerce non vertueux où l’argent prédomine, est dangereux. Que les gens réfléchissent bien à qui ils confient leur santé. »
Vous parlez de cannabusiness, pourtant le CBD est vanté sans THC donc non stupéfiant ?
N. A. : « C’est faux. La fleur de CBD n’existe pas, c’est du cannabis ! C’est illégal ! La substance CBD n’est pas interdite, mais le CBD est issu d’une plante, le cannabis, qui est un stupéfiant. Et dans le CBD, il y a toujours des traces de THC. Donc, tous les produits qui en découlent sont classés stupéfiants. »
Peut-on être contrôlé positif en fumant du CBD ?
N. A. : « Oui, car on fume des fleurs de cannabis qui contiennent toujours un peu de THC. Ce dernier se dépose sur la muqueuse jugale et le dépistage salivaire peut s’avérer positif selon la quantité de THC accumulée. Hors le THC est une substance stupéfiante et illicite, il est donc impossible de prouver que vous n’avez pas fumé un joint riche en THC. »
Le CBD représente-t-il un danger pour la santé ?
N. A. : « Oui, il existe des effets indésirables : diarrhées, altération de la vigilance, somnolence, ralentissement psychomoteur… Bref tous les effets d’un psychotrope. Heureusement d’ailleurs, car sinon le CBD ne marcherait pas. Cela explique ses effets apaisants. Enfin, les interactions entre CBD et médicaments existent et nous avons déjà vu des cas de toxicité hépatique. »
Vous utilisez pourtant le cannabis thérapeutique, il a donc bel et bien des vertus ?
N. A. : « Oui, mais sur des pathologies sur lesquelles on a pu effectuer des essais cliniques. Je prescris le cannabis sur des indications précises : les douleurs neuropathiques, les épilepsies résistantes aux médicaments, les douleurs musculaires anormales (liées à des scléroses en plaques, AVC, paralysie) ou en soin palliatif pour le cancer.
Le problème des boutiques, c’est qu’ils traitent tout avec, en vendant des allégations thérapeutiques non vérifiées scientifiquement. C’est de l’exercice illégal de la médecine. »