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17 Mai 2021 | Observatoire
 

Usage récréatif ou médical, CBD, THC… Le sujet devient de plus en plus complexe, entre le rapport parlementaire relançant les débats autour de la légalisation du cannabis récréatif (voir 5 mai) et l’ouverture de nombreuses boutiques spécialisées en produits à base de CBD (voir 13 mai).

France 3 Paris Ile-de-France a demandé des éclaircissements à Nicolas Authier, médecin psychiatre, membre du Collège scientifique de l’Observatoire français des Toxicomanies et président du Comité scientifique spécialisé temporaire sur le cannabis à visée thérapeutique de l’Agence nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) / voir 11 septembre 2020 et 11 janvier 2019.

•• « Le THC, pour Tétrahydrocannabinol, et le CBD, pour cannabidiol, sont deux phytocannabinoïdes contenus dans différentes variétés de cannabis, en proportions variables. Certaines plantes sont plus riches en THC, d’autres en CBD, et d’autres enfin sont équilibrées. Il faut être clair : les deux substances ont des effets psychotropes » explique-t-il.

•• « Le THC est classé comme stupéfiant » poursuit le médecin. « Le CBD, lui, n’est ni classé comme stupéfiant, ni comme psychotrope, mais on parle là d’un point de vue réglementaire. Certes la substance présente une sécurité d’usage bien meilleure. C’est moins puissant, ça ne fait pas tourner la tête, et le potentiel de dépendance est bien moindre voire inexistant.Mais les effets psychotropes sont prouvés scientifiquement. »

Dans le cadre de l’expérimentation sur le cannabis à usage thérapeutique, lancée fin mars pour deux ans, le docteur Nicolas Authier prescrit lui-même du THC et du CBD à ses patients.

•• Alors que les « CBD shops » ont pignon sur rue, il déplore une « situation antinomique » : « pour certains produits censés être parfois assez proches, il y a d’un côté un circuit médical strict et sécurisé, et de l’autre un accès libre destiné au grand public ».

Le médecin pose aussi la question du marketing : « Cannabis light, cannabis légal, fleurs de CBD … Tout une sémantique a été créée par les boutiques. On trompe un peu sur les mots avec ces concepts, un taux zéro de THC, ça n’existe pas. Et si le CBD n’était pas psychotrope, d’ailleurs, ça n’aurait aucun intérêt pour leurs clients, à part un effet placebo. »

•• Et d’ajouter : « ça interroge aussi sur la qualité proposée, alors que les clients sont prêts à payer parfois 50 euros, et cherchent à soigner des douleurs chroniques par exemple.

« Et ces vendeurs ne sont parfois pas du tout formés. Ça crée une sorte de métier de guérisseur, c’est borderline pour des produits présentés comme anxiolytiques. À force de ne pas s’occuper de la question, on se retrouve avec des aberrations. L’idée, ça ne serait pas d’interdire mais d’encadrer tout ça, dans l’intérêt des usagers ».

•• La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) a rappelé dans un arrêt que le CBD n’était pas un stupéfiant et pouvait être importé légalement depuis d’autres pays européens (voir 19 novembre 2020).

Depuis, un groupe de travail piloté par la Mildeca  (Mission interministérielle de Lutte contre les Drogues et les Conduites addictives) prépare un rapport dans le but de mettre le droit français en conformité avec l’arrêt européen. Contactée, la Mildeca confirme que « les travaux sont toujours en cours » et devraient aboutir « avant la fin du premier semestre 2021 ».