Une cinquantaine de médecins et responsables d’associations de patients dénoncent la non-parution du décret qui permettrait la mise en place de l’expérimentation sur le cannabis thérapeutique, pourtant votée en décembre 2019 (voir 10 septembre, 17 juin, 24 janvier).
« Le report répété du début de cette expérimentation, faute de décret d’application, suscite actuellement un questionnement sur la volonté politique de le mettre réellement en place », écrivent les signataires d’une tribune, publiée dans Le Parisien ce 8 septembre, pour qui ce retard « crée de l’anxiété, voire de la colère, chez des patients déjà en souffrance physique et psychique et en attente de solutions complémentaires ».
•• Lorsque l’ANSM avait donné, en décembre 2018, son feu vert à une telle expérimentation, son directeur général, Dominique Martin, disait espérer « mettre celle-ci en place avant fin 2019 et avoir une généralisation en 2020 ». Le démarrage avait finalement été fixé à septembre, puis reporté à janvier 2021, date toujours officiellement promise.
« On ne comprend pas bien pourquoi il est si long de publier un décret qui n’a rien d’exceptionnel », estime, dans Le Monde, le professeur Nicolas Authier, le président du comité scientifique qui supervise ce dossier à l’ANSM.
« S’il ne se passe rien d’ici fin octobre, on se posera la question de savoir si l’on sert toujours à quelque chose », dit-il, assurant ne pas vouloir « faire de la figuration pour entretenir des promesses politiques non tenues ».
•• Autre motif d’inquiétude pour les promoteurs de l’expérimentation : l’absence de tout financement, alors même que le dispositif nécessiterait entre « 15 et 20 millions d’euros », selon les estimations de Nicolas Authier.
« Cela met la France en situation de dépendance face à des acteurs privés étrangers et leur volonté ou non de fournir gracieusement leurs produits et dispositifs médicaux », mettent en garde les signataires de la tribune. « Si vous avez la gratuité sur le produit, quelles seront les contreparties exigées ? », interroge le juriste Yann Bisiou, président de L630, une association d’expertise juridique dans le domaine des drogues.
« À cause de l’absence de budget, nous ne sommes même pas sûrs que l’expérimentation se fasse », redoute pour sa part Béchir Saket, le porte-parole du Collectif Alternative pour le cannabis à visée thérapeutique, qui dit craindre une « expérimentation low cost » par manque de moyens pour former les médecins qui participeront au dispositif, alors même que le projet dispose d’« un soutien politique et gouvernemental » et d’un feu vert de l’ANSM.
•• Interrogé samedi 5 septembre sur BFM-TV, le ministre de la santé, Olivier Véran – à l’origine d’un amendement sur ce sujet dans le dernier budget de la Sécurité sociale –, a déclaré qu’il ne souhaitait « surtout pas » que les Français considèrent le cannabis thérapeutique comme « un pied dans la porte » vers le cannabis récréatif et a assuré que l’expérimentation « qui verra le jour dans les prochaines semaines ou dans les tout prochains mois (…) permettra de soulager des milliers de malades qui ont des douleurs incurables ».