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29 Mai 2024 | Profession
 

Dix ans après le lancement de Nickel, la Française des Jeux a récemment sorti une offre comparable. Avec leur réseau de proximité, les buralistes occupent une place stratégique pour la distribution de services bancaires.  Décryptage des Échos – signé Édouard Lederer – dont nous reprenons l’analyse.

Les débits de tabac qui accueillent chaque jour des millions de Français se préparent à devenir le terrain d’une bataille bancaire inattendue.

Avec d’un côté Nickel, filiale à 95 % de BNP Paribas ( le reste revenant à la Confédération ) et son offre classique à 25 euros par an (carte Mastercard comprise) distribuée par les buralistes depuis dix ans (voir 14 février et 22 mars). Et de l’autre, la FDJ (Française des Jeux), qui a lancé fin avril une offre comparable – Nirio Premio – à 29,90 euros par an (carte Visa comprise), également disponible dans des milliers de bars-tabacs (voir 2 mai et 26 avril).

•• Rien que dans une brasserie installée sur l’une des grandes portes de Paris, près de 10 000 comptes Nickel ont été ouverts, précise l’écran d’une borne installée dans l’arrière-salle. Au global, Nickel a déjà séduit 3,7 millions de clients en France et travaille avec 7 600 buralistes, sur un total de 23 000. « Ce qui est étonnant, c’est surtout la très grande diversité de clients que l’offre Nickel attire. Je ne m’attendais pas à voir autant de personnes âgées, par exemple », témoigne un buraliste parisien, pour qui une telle proposition permet « d’offrir un service » à ses clients.

Demain, l’offre bancaire de la FDJ sera-t-elle aussi largement diffusée ? Son service permettant de régler des factures courantes existe depuis 2020 et est déjà proposé sur plus de 10 000 points de vente (buralistes mais aussi libraires presse). Parmi ceux-ci, 5 000 donnent accès à la nouvelle offre Nirio Premio.

•• La rivalité entre les deux banques low cost va se cristalliser autour des buralistes : ces commerçants indépendants décident de leur politique commerciale, même s’ils sont aussi fédérés autour d’une puissante organisation, la Confédération des buralistes. Signe de la sensibilité du sujet, cette dernière n’a pas souhaité commenter.

Avec la FDJ, au travers de la vente de jeux à gratter ou du Loto, les liens sont historiques. « C’est un réseau de commerçants que nous connaissons vraiment bien, nous sommes proches de leurs centres d’intérêt. Nous nous sommes aussi lancés dans la démarche de Nirio pour les aider à se diversifier », avance Raphaël Botbol, président de FDJ Services. 

Du côté de Nickel, le pacte avec les buralistes a été scellé voilà dix ans au travers d’une prise de participation : la Confédération des buralistes détient 5 % de la Financière des paiements électroniques, la société mère de Nickel. Et un accord d’exclusivité stipule que Nickel ne peut se vendre en France que par les bureaux de tabac. Un accord qui a été renouvelé en début d’année pour une durée de dix ans.

•• Les deux rivaux doivent aussi permettre aux commerçants de gagner plus d’argent … sans leur faire perdre de temps. Les différentes offres ne sont pas intégrées dans un même terminal, et le buraliste doit jongler entre les systèmes informatiques.

Pour leur faciliter la vie, les deux concurrents promettent des parcours d’inscription simplifiés et les plus rapides possibles. « La vie d’un buraliste, c’est tenir un commerce avec un passage très important. Dix millions de Français y passent chaque jour », souligne Marie Degrand Guillaud, directrice générale de Nickel. L’inscription ou les transactions des clients doivent se faire « dans un registre de temps compatible avec l’affluence des lieux », poursuit la dirigeante, qui ne commente pas l’offre de la FDJ.

•• La question de la rémunération entre aussi en jeu, même si peu de données filtrent. Chez Nickel, pour la vente d’un « coffret » (contenant la carte de paiement) à 25 euros, le buraliste perçoit 1,25 euro, et 2,50 euros lorsque le compte est ouvert. Le commerçant touche aussi 1,13 % sur les montants déposés en espèces et 25 centimes pour les retraits.

Si les commerçants sont donc rémunérés à l’ouverture du compte, « les commissions sont largement issues des dépôts, retraits, remplacements de cartes ou éditions de RIB », précise Nickel qui ne fournit aucun chiffrage. Selon les informations des Échos, les buralistes touchent plusieurs millions d’euros par an.

« Des études qualitatives montrent que la rémunération n’est pas la première motivation des distributeurs », souligne Marie Degrand Guillaud, qui met en avant – comme la FDJ – le fait d’attirer de nouveaux clients et de diversifier les services en magasin.

Reste à voir, quelle que soit l’appétence des buralistes, si Nirio Premio va effectivement réussir à trouver son public. Nickel a rencontré plusieurs concurrents ces dernières années, dont certains se sont inspirés pour partie de son modèle, pour ensuite jeter l’éponge face à la complexité de la tâche, notamment dans le domaine de la relation clients.