23 000 bureaux de tabac en France pour 21 500 pharmacies. Et contre toute attente, les premiers se portent mieux que les secondes, selon une note comparative de l’Institut français des Praticiens de Procédures collectives (IFPPC). Il y a deux fois moins de défaillances depuis le début de l’année chez les buralistes que dans les officines.
Ils avaient pourtant subi une saignée depuis une vingtaine d’années alors qu’ils étaient 34 000 en 2003. C’est ainsi que débute un article de Léa Delpont dans Les Échos – édition du 4 septembre – que nous reprenons pour l’essentiel.
Le plan de sauvetage négocié en 2018 avec l’État, quand disparaissaient 500 buralistes par an, semble porter ses fruits. Il a été renouvelé jusqu’en 2027 avec 20 millions d’euros de subventions annuelles (voir 20 janvier 2023). Objectif : la diversification. La tendance est bonne selon l’IFPPC, qui relève l’habileté du secteur, employeur de 80 000 personnes, à négocier de multiples primes et subventions (…)
•• Péages, amendes, factures
(…) Le tabac représente la moitié du chiffre d’affaires du secteur (44 milliards d’euros en 2021) et rétribue ses distributeurs par une commission de 8,1 %. Mais la baisse du nombre de fumeurs et les achats transfrontaliers ou de contrebande affectent lourdement ces indépendants sous licence de l’État. Au point que le produit qui assurait jusqu’à 90 % de leur revenu naguère n’en représente plus que 55 % devant les jeux et la vape.
Toujours en quête de produits et services innovants pour attirer un public non-fumeur, non joueur et non acheteur de journaux (le triptyque historique), une centaine de buralistes ont rejoint cet été le réseau de conciergerie Nannybag : une activité de garde de valises commissionnée, dans la continuité du relais-colis largement développé ces dernières années (voir 17 juillet 2024).
Autre actualité : la possibilité de régler, entre cigarettes et chewing-gums, les nouveaux péages sans barrière des autoroutes A13 et A14 – pour les conducteurs n’ayant pas d’abonnement ou de badge. Ce système dit en « flux libre », pour l’instant limité à l’axe Paris-Normandie, doit se généraliser à mesure des renouvellements de concessions autoroutières (voir 4 mars 2024).
Un service de plus négocié par une Confédération très active pour soutenir ses adhérents. Il y a trois ans, le syndicat avait décroché un appel d’offres du Trésor public pour le paiement des impôts, factures et amendes, destiné à faciliter la vie du contribuable. Les 15 000 buralistes inscrits ont enregistré 1,45 million d’opérations en 2023 (voir 1er février 2024).
•• Produits à marge
Toutes les diversifications n’ont pas le même succès. Le bar des tabacs dits « humides » (60 % d’entre eux) fonctionne diversement en ville, où ils ont de la concurrence, et à la campagne … Le partenariat avec Casino pour proposer du dépannage alimentaire a séduit à peine 200 commerces là où le contrat de distribution exclusive avec la banque Nickel (filiale de BNP Paribas) a fait des bureaux de tabac le premier réseau d’ouverture de comptes : 50 000 par mois. Il a été renouvelé en avril pour dix ans (voir 29 mai 2024).
Caviste, épicerie, dépôt de pain, papeterie, fleuriste, perception, banque, armurerie, café du coin, tout est bon pour attirer le client dans le nouveau « drugstore du quotidien », selon l’expression de la Confédération.
Elle a des arguments pour incarner la proximité : son maillage, avec 40 % des établissements dans des communes de moins de 3 500 habitants, qui sont parfois le dernier commerce du village ; et une amplitude horaire inégalée dans les villes, de 6 à 20 heures, six jours sur sept.
•• Vape et CBD
Entre 2018 et 2022, 4 426 buralistes ont touché des subventions du plan gouvernemental (limitées à 33 000 euros) pour adapter leur magasin à de nouvelles activités. Depuis 2023, les demandes (1 336) plafonnent. Mais les projets sont, avec des moyennes d’aides en hausse de 5 000 euros. Dans un cas sur deux, les travaux génèrent une ouverture de caisse et une création d’emploi, insiste le président Philippe Coy.
À commencer par la vape et le CBD. Le réseau a loupé le rendez-vous de la cigarette électronique il y a quinze ans, alors que la filiation semblait naturelle, assure Philippe Coy (…) Les formations à la e-cigarette et ses variantes sont les plus demandées au syndicat, avec 600 à 800 participants chaque année depuis 2022. Talonnées par celles sur le CBD, promeut la Confédération, qui ne veut pas rater le coche une deuxième fois.
Malgré leurs fragilités, les débits de tabac demeurent protégés par leur monopole et continuent d’attirer. Les ventes de fonds de commerce sont en hausse de 25 % et les gérants rajeunissent : depuis 2018, la moyenne d’âge est passée de 53 à 48 ans. Même le nombre de créations augmente, avec 25 ouvertures au premier semestre, contre 14 un an plus tôt. Photo : Les Échos / REA