« Pas envie », « pas pensé », « pas eu le temps » : dans un quartier populaire de Lille, un bar-tabac s’est transformé samedi en centre de vaccination contre le Covid 19 avec l’objectif « d’aller au plus proche du public » et tenter de convaincre les récalcitrants. Revenant sur une information que nous avons publiée la semaine dernière (voir 15 septembre), l’AFP publie un reportage signé Zoé Leroy.
« Ce n’est rien en fait la vaccination … je n’ai rien senti », lance Francine Deflandre, 85 ans, après avoir reçu sa première dose de Pfizer. La vieille dame n’était pas encore vaccinée contre le Covid 19 par « peur » des « réactions secondaires ». « Mais ici, je viens tous les jours, je connaissais l’endroit, les gens, ce n’était pas pareil. »
•• « Vaccination, café, croissant », lance la buraliste, Fabienne Plouvier, à ses clients, dans le quartier populaire de Fives. Ici, « des habitants ont des difficultés à se rendre en centre-ville pour se faire vacciner, ce n’est pas dans leurs habitudes. Pour nous, ça parait anodin mais le ressenti de la clientèle, notamment pour les personnes âgées, c’est que c’est compliqué », explique Mme Plouvier.
À l’origine de l’opération, elle affirme avoir perdu 30 % de sa clientèle depuis l’instauration du Pass sanitaire.
Comme dans un centre classique, les personnes souhaitant recevoir une première, deuxième ou troisième dose doivent d’abord s’entretenir avec un soignant avant de se faire vacciner, puis doivent après être surveillées pendant au moins quinze minutes.
•• Patrick Leclerc, un habitué du bistro qui vient de recevoir sa deuxième dose, boit un café en terrasse en attendant que le délai s’écoule. « J’angoissais un peu, mais ici, on est bien reçu et c’est plus facile, je n’ai pas dû prendre rendez-vous », se réjouit l’homme de 45 ans.
Sacko, 25 ans, n’est lui toujours pas vacciné car il n’a « pas eu le temps ». Il est venu « par hasard » en voyant les affiches. « Je travaille, c’est compliqué pour moi de prendre un rendez-vous en semaine, mais ça devient pressant avec le Pass sanitaire, on commence à me le demander partout », raconte le jeune homme.
•• « La logistique qui parait simple pour certaines personnes de prendre rendez-vous, de se déplacer, d’aller dans un vaccinodrome, elle ne l’est pas pour certains usagers », explique Laurence Tisserand, infirmière référente des vaccinations éphémères, qui travaille dans le quartier. « On s’occupe des publics les plus précaires, on sait que pour ces personnes, c’est compliqué d’accéder aux soins, à nous professionnels de santé de faire l’effort d’aller vers elles », ajoute-t-elle.
L’initiative s’est organisée avec l’accord de l’Agence régionale de Santé « qui développe depuis plusieurs mois une série d’actions dite « d’aller vers », pour aller au plus près des populations, là où elles habitent, vacciner ceux qui ne viendraient pas sinon sans ce type d’action », explique Aline Queverue, directrice départementale du Nord.
Mme Tisserand essaie aussi de « lever des barrières » face à des personnes « qui ont parfois entendu des choses fausses sur la vaccination ». « Ce n’est pas forcément des gens qui vont se faire vacciner mais c’est important aussi d’avoir cette conversation avec eux, peut-être qu’après réflexion, ils se feront vacciner dans quelques semaines. »
•• Ce bistrot, c’est « un petit coin que j’aime bien » plus « convivial » que les centres de vaccination conventionnels » relate Jean Delvinquier, 86 ans, venu recevoir sa troisième dose avec sa femme, Yvette.
« C’est ma deuxième maison, le soir je viens me détendre ici, alors c’est plus rassurant, je connais du monde et c’est juste à côté de chez moi », sourit-il, en levant son verre.