Belges, néerlandaises, allemandes et aussi françaises … Sur le parking de l’aire d’autoroute de Capellen Sud, au Luxembourg, les plaques d’immatriculation indiquent que les automobilistes ne sont pas uniquement « des locaux ».
Les numéros français, 54, 55, 57 révèlent que les visiteurs sont essentiellement des voisins de la Meurthe-et-Moselle, de la Meuse ou encore de la Moselle. Et parmi ces Lorrains, des 59 apparaissent … (voir 16 septembre, 18 mai et 15 mars).
De Lille, Douai ou Maubeuge, certains habitants du Nord sont prêts à avaler les kilomètres, environ trois heures de route, à l’aller et au retour, pour acheter du tabac au Luxembourg. À la clé, la promesse d’économies à hauteur de 50 %. Rencontre de La Voix du Nord avec ceux qui consacrent leur dimanche à faire des stocks.
•• À la sortie du magasin de l’aire d’autoroute, un couple se dirige vers sa voiture, une berline grise immatriculée dans le Nord. Lui transporte dans ses bras un gros carton. Dedans : quatre cartouches de cigarettes, deux kilos de tabac à rouler et des tubes. « On vient de Wattrelos, explique le couple, en rangeant ses achats dans le coffre de sa voiture. Avant, on allait en Belgique, à Mouscron, mais depuis que le prix a augmenté cette année ce n’est plus valable. »
Ce couple de la métropole lilloise n’hésite pas à faire six heures de route pour faire le plein de tabac, avec une note finale de 450 euros. « Pour la même quantité, ça nous aurait coûté plus du double en France. Avec ça, on va tenir jusqu’à fin décembre. Il n’y a pas de petites économies », confie l’acheteur.
•• Depuis l’application des nouveaux prix en Belgique, mis en place en début d’année, ils ne sont pas les seuls Nordistes à faire ce long trajet. Un autre couple et son fils sont venus de Maubeuge pour acheter six cartouches. Ils font le déplacement une fois par mois depuis le début de l’année.
« On en profite pour découvrir les environs. C’est notre sortie dominicale », sourient-ils, « aujourd’hui, on va s’arrêter à Dinant (Belgique) pour manger et visiter la Maison de Monsieur Sax (Adolphe Sax, inventeur du saxophone). »
Même son de cloche pour une famille du Douaisis qui rentabilise le trajet en allant faire un tour dans la capitale, à quelques kilomètres. « Ça vaut aussi le coup pour d’autres achats » ajoute la femme, restée auprès de la voiture familiale, « dans certains magasins, on trouve des produits que l’on ne trouve pas dans les mêmes enseignes en France. »
•• À une vingtaine de kilomètres, vers le sud-ouest, se trouve la ville de Rodange, à la frontière avec la France. Là aussi, les plaques françaises défilent. Deux Français reviennent vers leur voiture les mains pleines après être sortis d’un magasin de tabac et d’alcool. Ils sont venus de Comines pour s’approvisionner.
L’un est un convaincu de longue date : « cinq ans que je viens au Luxembourg. Ça vaut le coup depuis longtemps », assure-t-il, « là, entre les cigarettes et le tabac à rouler, on repart avec trois kilos, pour 500 euros. En Belgique, ça nous aurait coûté le double. En France, le triple. »
Dans le coffre de sa voiture, il a conservé un seau de 400 grammes datant de juillet. Le prix de 52,80 euros est toujours dessus. Le même pot, acheté dimanche 22 septembre, affiche un nouveau prix de 57 euros. Une augmentation de 8 % en deux mois. « Forcément, ils augmentent leur prix, mais ce sera toujours plus rentable », conclut le Cominois.
•• En tout cas, les vendeurs de tabac frontaliers belges connaissent dorénavant ce que leurs homologues français ont bien connu : voir leur clientèle partir acheter leur tabac dans un pays voisin.
« On a perdu pas mal de Français depuis que les nouveaux prix sont appliqués. Maintenant, ils restent en France ou vont jusqu’au Luxembourg », confie un employé d’une chaîne de magasins de tabac belge.
« Une demi-victoire pour les buralistes français frontaliers », affirme Philippe Laveau, président de la fédération des buralistes des Hauts-de-France, « ils ont vu leur chiffre d’affaires augmenter légèrement depuis que les prix belges ont presque rattrapé les prix français. » Il reconnaît toutefois que le Luxembourg est de plus en plus envisagé par les fumeurs : « mon bureau de tabac est au sud d’Amiens et des fumeurs font la route depuis ici jusqu’au Luxembourg pour acheter du tabac. » Photo : La Voix du Nord / Florent Moreau