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22 Oct 2025 | Trafic
 

Douze personnes, membres d’un vaste réseau mêlant trafic de stupéfiants et de cigarettes contrefaites, étaient jugées ce 20 octobre devant le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon. La tête de ce réseau a écopé de neuf ans de prison ferme. C’est ainsi que démarre un sujet de Yves-René Tapon sur ICI Loire Océan que nous reprenons.


Le trafic de tabac de contrebande et de drogue était intrinsèquement mêlé dans le vaste réseau jugé ce 20 octobre devant le tribunal judiciaire de La Roche-sur-Yon.
Douze personnes, dont cinq qui étaient détenues, étaient jugées pour plusieurs chefs d’accusation, dont association de malfaiteurs, transport et cession de stupéfiants, vente de marchandise sous une marque contrefaite.
La tête de ce réseau – démantelé en septembre 2024 et qui essaimait en Vendée, Loire-Atlantique et Maine-et-Loire – opérait depuis la prison d’Angers. Car plusieurs multirécidivistes comparaissaient dans ce dossier.
« J’avais besoin d’argent, j’étais au chômage, j’ai cherché de l’argent facile », s’est justifiée en début d’audience l’une des petites mains du réseau. Le bénéfice des livraisons : entre 500 et 1 000 euros par semaine, une partie pour elle, une partie pour son compagnon en prison.


Pendant huit heures, les douze suspects se sont justifiés tour à tour, en reconnaissant les faits ou en tentant de minimiser leur propre responsabilité.
L’un d’eux a reconnu trois voyages à Nantes.
« Mais en audition, vous aviez dit trente ! », s’est étonnée la présidente du tribunal Isabelle Jubineau, « pour 8 000 à 10 000 euros à chaque fois, pas mal non ? »
« On a l’impression que l’ensemble des prévenus ont peur », constate Aristote Toussaint, l’un des avocats de la défense, « peur d’une personne qui détenait le compte Telegram ».

Cette messagerie Telegram baptisée « 85 Cartel » (et avec plus de 1 500 abonnés) était gérée par un téléphone qui bornait toujours près de la maison d’arrêt d’Angers. Son propriétaire, Kylian Patin, 27 ans, père d’une fille de trois ans et déjà plus de 20 condamnations, est celui vers qui tous les regards se tournent dans son box.


« Il se fait appeler El Chapo. C’était le surnom de Joaquín Guzmán, baron de la drogue au Mexique », rappelle la procureure de la République.

« Bah oui, mais c’est comme Escobar, ce sont des trucs de gosse ! Elle veut m’enterrer ! », s’énerve le principal suspect dans son box, que la présidente du tribunal fait sortir d’autorité.

À son retour, il reconnaît être parfois impulsif : « Bah ouais, mais ça fait huit heures que je suis assis à entendre des conneries ! » Les enquêteurs ont retrouvé 40 000 euros enterrés dans le jardin de sa grand-mère et 28 000 dans celui de sa mère, elle aussi poursuivie.

« Cette affaire me déprime un peu », confie à ICI Loire Océan maître Armand Ba, l’un des avocats de la défense. « Souvent, quand des individus ont des failles dans l’enfance – et ils sont nombreux ici – quand ils sont à l’âge adulte, au lieu d’aller vers les bonnes personnes, ils vont vers celles qui ont elles-mêmes des failles. Il faut que ces gens-là réussissent à dire non. »


Dans ses réquisitions, la procureure de la République Sandrine Zanni a demandé douze ans de prison contre le principal prévenu et des peines entre six ans, cinq ans ferme et du sursis pour les autres.

« Mais je n’ai tué personne, je n’ai pas de sang sur les mains », a lâché Kylian Patin dans ses derniers mots. Il est finalement condamné à neuf ans de prison ferme, les autres à des peines entre un an et quatre ans ferme. Et tous ont interdiction ensuite de paraître en Vendée durant cinq ans. Un seul prévenu n’est condamné qu’à une peine de 18 mois avec sursis.


Partie civile dans ce dossier, la marque Philip Morris combat le trafic de cigarettes de contrebande et contrefaites : « On n’est pas là pour pleurer dans les chaumières. Faites abstraction de la marque, nous demandons juste réparation du préjudice », demande maître Emma Villard. « C’est vraiment un gros trafic rémunérateur pour eux. »

« Il y a une porosité entre les deux trafics », renchérit Daniel Bruquel, chef du service commerce illicite chez Philip Morris. « Toute la politique de santé publique basée sur la hausse des taxes pour dissuader les fumeurs est bafouée par ce trafic. Aujourd’hui, 53 % des cigarettes vendues à La Roche-sur-Yon (contre 15 % en 2019), comme à Nantes, sont des cigarettes de contrebande. »

La somme de 10 000 euros demandée comme préjudice moral par Philip Morris a heurté la plupart des avocats de la défense. « Le tabac tue », a rappelé l’une d’entre elles.

(Voir aussi le 15 octobre 2024)