Encore un article insistant sur l’attirance des jeunes pour les cigarettes électroniques jetables puff. Ce qui a pour effet indirect de jeter la suspicion, une nouvelle fois, sur le secteur du vapotage … Malgré les efforts de la plupart des professionnels, les dérives de certains font du mal (voir 27 et 16 avril). Il y a un an, la puff n’existait pas sur le marché …
Cette fois ci, nous affaire à un traitement relativement équilibré – voire neutre – dans Le Monde (édition 7-8 mai) … neutre jusqu’à l’absence d’illustration. Nous le reproduisons intégralement.
•• Ces « puffs », pourtant interdites à la vente aux mineurs, séduisent par leur prix attractif. Une dizaine de petits tubes de toutes les couleurs traînent dans le sac de Marie (toutes les personnes citées ont souhaité préserver leur anonymat). Goût mangue, myrtille ou encore pêche-citron : il s’agit de cigarettes électroniques jetables.
Ces « puffs » (prononcé « peuf ») sont d’un genre hybride. Comme des cigarettes électroniques classiques, elles contiennent un liquide aromatisé, dont raffolent les jeunes. Mais, comme des cigarettes traditionnelles, elles finissent à la poubelle une fois consommées.
Le consommateur choisit le goût, la taille (généralement 300 à 600 bouffées, un paquet de cigarettes classiques contenant environ 300 bouffées ) et le taux de nicotine qui varie entre 0 % et 2 %, conformément à la réglementation en vigueur, relate Le Monde.
•• Depuis plusieurs mois, ces puffs, pourtant interdites aux mineurs, font fureur auprès des lycéens et même des collégiens. « J’adore changer les goûts parce que je me lasse vite » s’exclame l’adolescente de 16 ans, en seconde au lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine. Ancienne utilisatrice de cigarettes électroniques, elle ne jure maintenant plus que par ce petit bout de plastique au goût de bonbon : « ça prend moins de place. Et il n’y a pas besoin de la charger : quand tu la finis, tu la jettes ».
Autre avantage que la jeune fille y trouve : le prix. « Entre 8 et 9 euros », note Marie, pour une puff contenant 600 bouffées. « Quand on se dit qu’un paquet de cigarettes, c’est 10 balles … C’est moins cher », lance-t-elle.
Comme Marie, Mathis, élève de 4ème , a toujours une puff sur lui. Il met en moyenne une semaine pour la consommer. « C’est pratique, parce que ça ne laisse pas d’odeur Mais c’est un peu un effet de mode J’avais vu des vidéos sur TikTok, alors j’ai eu envie d’essayer » reconnaît-il.
•• Sur ce réseau social très prisé des jeunes utilisateurs, les vidéos montrant des adolescents avec des puffs pullulent. TikTok semble pourtant avoir tenté de limiter leur diffusion : en tapant le simple mot « puff » dans la barre de recherche, aucune vidéo n’est disponible.
Un message de la plate-forme précise que le terme peut être associé « à un comportement ou du contenu qui enfreint nos consignes ». Mais les vidéos n’ont pas disparu : il suffit d’écrire le terme au pluriel, « puffs », ou « Wpuff », l’un des leaders sur le marché de la cigarette électronique jetable.
•• Dans un communiqué du 17 mars, le ministère de la Santé et des Solidarités (voir 18 mars) indique avoir adressé une plainte au parquet, à la suite de l’observation d’une « forte promotion de ces dispositifs de type « puff » sur des réseaux sociaux fréquentés majoritairement par des jeunes ».
Les suites de ce signalement ne sont pas encore connues, précise la Direction générale de la Santé (DGS), qui rappelle que « la publicité en faveur de produits du vapotage constitue un délit, qui peut être sanctionné par une amende pouvant aller jusqu’à 100 000 euros ».
Marie, la lycéenne de 16 ans, n’a aucun mal à acheter ses puffs. Elle précise que, au bureau de tabac, on ne lui« demande jamais son âge ». Pourtant, la vente de ces cigarettes électroniques jetables est, en théorie, interdite aux mineurs.
•• « Nous devons, en cas de doute, nous assurer de la majorité des clients qui se présentent pour l’achat. Nous ne sommes malheureusement pas parfaits, mais nous veillons à améliorer ce taux de défaillance pour qu’il soit le plus faible possible », affirme Philippe Coy, président de la Confédération nationale des buralistes.
Dans un bureau de tabac francilien, où l’on tient à conserver l’anonymat, on explique respecter la règle. Mais, selon la gérante, certains adolescents demandent à des adultes d’effectuer leurs achats pour leur compte, afin de contourner l’interdiction.
Pour Léo, un lycéen de 17 ans scolarisé au lycée Hélène Boucher, dans le 20ème arrondissement, se procurer une puff est tout ce qu’il y a de plus facile : « Tu peux en acheter vraiment partout. Si t’en cherche, t’en trouves ».
Car les canaux de distribution sont nombreux : outre les buralistes, les puffs sont aussi vendues chez les distributeurs de cigarettes électroniques, mais aussi sur des sites Internet ou sur les réseaux sociaux. Difficile alors d’établir les volumes vendus. Interrogée, la DGS ne dispose pas de données à ce sujet.
•• Le succès de cette cigarette électronique inquiète les médecins, qui alertent sur les dangers de la dépendance à la nicotine. Le président de l’Alliance contre le Tabac, Loïc Josseran, parle d’une véritable« épidémie pédiatrique » . Il pointe notamment la facilité d’utilisation, avec un produit « directement prêt à l’emploi », prévient-il.
« Quand on commence à rentrer là-dedans et qu’on est préadolescent, on va très vite rentrer dans une forme de dépendance à la nicotine. Plus on commence jeune, plus la dépendance va être forte. C’est redoutable ».
Et si certaines puffs ne contiennent pas de nicotine, cela ne règle pas le problème, selon lui : « le geste contribue à la dépendance. Le fait d’avoir un produit à 0 % de nicotine n’est absolument pas anodin. La personne va déjà apprendre à consommer, à aller acheter son produit. »
•• Pour Jean Moiroud, président de la Fédération interprofessionnelle de la Vape (Fivape), alerter sur la puff doit aller de pair avec le rappel des dangers du tabac. « Quand on parle des puffs, il faut aussi parler des cigarettes. On trouve ça assez injuste qu’il y ait une agitation médiatique autour de cette puff, alors que, sous le nez de tout le monde, les jeunes entrent dans le tabac, qui est un poison mortel. »
En 2017, selon l’Observatoire français des Drogues et des Tendances addictives, un quart des adolescents fumait quotidiennement un produit à base de tabac.
•• Du côté de la communauté éducative, Olivier Raluy, secrétaire national pour les CPE au SNES-FSU (le syndicat majoritaire pour le second degré) a été alerté par certains de ses collègues sur la consommation de puffs à partir de l’automne 2021. « Au niveau national, les premiers qui nous en ont parlé étaient des CPE en collège. Au lycée, c’est apparu dans un second temps ». souligne-t-il.
Pour autant, M. Raluy se montre prudent : il ne s’agit pas, selon lui, d’un phénomène « massif », mais parle plutôt de cas « localisés ». « On le perçoit de façon plus déséquilibrée. Dans les établissements de centre-ville, accueillant des enfants favorisés, où il y a un pouvoir d’achat, la question de la consommation de ces produits peut se poser . Mais tout le monde ne peut pas s’acheter des cigarettes jetables à 8 euros pièce ».