« Chez les buralistes, le tabac mais pas seulement … » titre Sud-Ouest avant de donner la parole à Philippe Coy dans un interview que nous reproduisons intégralement.
• Comment les buralistes ont-ils vécu cette année 2020 ?
Philippe Coy : Avec sidération comme tous les Français. Mais nous avons eu la chance, le 14 mars 2020, d’être considérés comme des commerces essentiels et de pouvoir rester ouverts. J’ai moi-même appris la nouvelle en écoutant Édouard Philippe à la radio, alors que j’allais dîner chez des amis à Pau. Le lendemain matin, 95 % des buralistes étaient au travail et servaient les clients.
J’avoue avoir ressenti de la fierté en entendant le message du Premier ministre car, jusqu’à présent, notre profession avait été plutôt malmenée par les pouvoirs publics et un certain nombre d’élus.
Le gouvernement nous a même demandé de diffuser, via nos 18 000 écrans, les informations sanitaires à propos du virus, ce que nous avons fait en nous mettant au service de nos dix millions de clients quotidiens, par exemple en distribuant des attestations à des personnes privées d’Internet.
• Sur un plan économique, les buralistes s’en sont-ils bien sortis ?
Ph. Coy : Oui. Les recettes tabac se sont élevées à 21,8 milliards d’euros, soit deux de plus qu’en 2019.
Mais n’ont pas non plus roulé sur l’or car les jeux de hasard ont chuté de 160 %, la fermeture des bars a eu des conséquences négatives et la presse a connu une mauvaise passe, notamment avec la chute de Presstalis qui distribue les médias nationaux.
En ce qui concerne le tabac, notre cœur de métier, on a constaté une augmentation de volume dans les zones frontalières. Les Français n’ont pas fumé davantage mais ils se sont approvisionnés chez nous au lieu d’aller à l’étranger ou de solliciter le marché parallèle. Cette épidémie a permis d’avoir la photographie exacte du marché du tabac en France. Cela a plutôt profité à l’État qui taxe le tabac à 81 %.
• Le tabac reste votre cœur de métier mais la profession se diversifie de plus en plus
Ph. Coy : Un commerçant doit s’adapter sans se renier. Le tabac reste notre produit phare mais 42 % de nos clients ne sont pas fumeurs.
Notre force est d’être implantés partout sur le territoire, dans les grandes villes comme dans les petits villages où nous pouvons compenser la diminution, voire la disparition, des services publics. C’est pour cela que nous avions candidaté, avec succès, pour encaisser certaines fiscalités locales ou que nous distribuons des colis postaux.
Il faut essayer de ne pas dire non. Il y a dix ans, j’avais proposé aux buralistes de vendre des cigarettes électroniques. On m’avait fermement fait comprendre que ça tuerait le métier. Aujourd’hui, les commerces de vapotage s’installent à côté de nous et nous font une concurrence sévère.
La diversification est un chantier permanent mais libre à chaque buraliste de s’y lancer ou non. Il y a l’activité grignotage et je propose par exemple les fromages de brebis d’une amie bergère, des services de conciergerie avec Airbnb ou des agences immobilières, les pistes ne manquent pas.
Ma plus belle récompense, c’est quand un client me dit : « qu’est-ce qu’on est bien chez vous ! ».