La récolte de tabac blond destiné au marché de la chicha bat son plein dans le Bas-Rhin … De quoi se refaire une santé pour ces agriculteurs qui ont su investir à temps. Reportage dans 20 Minutes.
Le tabac blond, dit de Virginie, à la faveur de conditions météorologiques favorables, se cultive depuis de nombreuses années un peu partout dans l’Hexagone.
Si cette culture a été fondamentalement remise en cause et a souffert avant 2020 d’un prix d’achat insuffisant, alors que sa culture demandait des investissements importants, le tabac blond est redevenu économiquement rentable pour certains après le Covid avec l’essor des bars à chicha.
« Le prix d’achat, qui n’avait pas changé depuis des années avant le Covid, a été relevé de plus de 30 % depuis 2020. C’était indispensable, car les exploitations cultivant du tabac blond fondaient comme neige au soleil, on perdait près de 200 hectares chaque année », explique Thierry Bonnet, directeur technique et commercial de la Coopérative Tabac Feuilles de France (CT2F).
•• La coopérative basée à Schiltigheim (ville limitrophe de Strasbourg) est l’une des deux grandes coopératives de tabac en France, l’autre étant située en Aquitaine. C’est par elle que passe toute la production de tabac blond, depuis Poitiers (Vienne) jusqu’au nord et l’est de la France. Soit près de 1 600 tonnes, qu’elle négocie avec les acheteurs : deux entreprises allemandes qui les transforment en Italie ou bien en Croatie en tabac à chicha, explique la coopérative.
« En moyenne, le kilo se négocie à présent autour de 6 euros », précise Thierry Bonnet mais qui ne manque pas de souligner au passage la lourdeur de la facture de gaz, utilisé pour le fonctionnement des fours qui sèchent les feuilles et dont le prix a sérieusement augmenté avec la guerre en Ukraine. À cela s’ajoutent des difficultés pour trouver du personnel saisonnier disponible pendant les trois mois de la récolte et du triage.
•• La culture de tabac blond est une tradition en Alsace. Matthieu Litt (photo), agriculteur à Duntzenheim (Bas-Rhin) est la troisième génération à en produire, sur dix hectares. Même histoire de famille avec son voisin Denis Schaeffer qui consacre également dix hectares de son exploitation au tabac.
Fort de ces vingt hectares dédiés à la même culture, les deux familles mutualisent les coûts, les investissements notamment pour avoir mécanisé leur récolte dès 2011, ainsi que la commercialisation via la coopérative. S’ils cultivent également des céréales et des légumes, le tabac blond reste un choix judicieux car rémunérateur et détaché des fluctuations du marché, explique Matthieu Litt.
Un moyen aussi de diversifier leurs cultures et donc de limiter la casse en cas d’intempéries ou de sécheresse. « Le tabac représente un quart de la surface de l’exploitation mais environ trois quarts de notre chiffre d’affaires » confie Matthieu Litt. « La moitié pour moi » précise Denis Schaeffer, sans donner de chiffre.
« Il y a de toujours de la demande pour le marché de la chicha » soulignent les agriculteurs. « On n’a pas de problème de débouché ». (Voir aussi 5 et 24 septembre). Photo : G. Varela / 20 Minutes