Après la cigarette puff, les sachets de nicotine sont dans le viseur du législateur. Philippe Coy, dans un entretien avec Valeurs actuelles (édition numérique), déplore la politique du gouvernement français qui préfère l’interdiction … à la prévention et la réduction des risques.
• Valeurs actuelles : des parlementaires ont soumis une proposition d’interdiction des « pouches » de nicotine. Le ministre de la Santé a aussi fait part de sa volonté de les interdire (voir 14 février). Pourquoi déplorez-vous cette proposition ?
•• Philippe Coy : À notre connaissance, le ministère de la Santé a choisi de passer en force auprès du Conseil européen malgré l’avis mitigé du Conseil d’État (voir 13 février). Cela prouve que le ministère est plus enclin à interdire sans chercher à comprendre pourquoi d’autres pays membres de l’Union européenne ont régulé et fiscalisé ces produits.
C’est une situation qui dure depuis trop longtemps. Les décisions punitives, qui créent un appel d’air vers les marchés parallèles de contrebande, n’ont vocation qu’à nuire à la société. Est-ce que le produit sera interdit à l’achat sur internet ou sur les pays limitrophes ? Le Gouvernement reproduit un schéma qui ne marche pas.
• Valeurs actuelles : Cette décision intervient quasiment en même temps que l’interdiction de la cigarette puff. Ces deux produits sont-ils comparables ? Ont-ils été interdits pour les mêmes raisons ?
•• Philippe Coy : Non, la cigarette puff a été lancé de manière provocante. Comment peut-on croire qu’un produit promu par des influenceurs sur des plateformes comme Tik-Tok sera pérenne ? Sans oublier l’absurdité du produit vis-à-vis de l’environnement : il n’y avait aucune volonté de trier ou de recycler le produit, une fois sa consommation terminée, on le jetait à la poubelle. On n’a présenté aucune autre issue pour ce produit que son interdiction. La vape, elle, est une alternative crédible au tabac à combustion, enfin reconnue par le Gouvernement, d’ailleurs.
Concernant les sachets de nicotine, je ne comprends pas qu’on ne puisse pas entendre qu’ils constituent une alternative légitime au tabac. Prenons l’exemple de la Suède : la prévalence tabagique est la plus basse d’Europe et c’est le premier pays consommateur de ce produit.
• Valeurs actuelles : Que répondez-vous à ceux qui expliquent que ces produits sont dangereux pour les jeunes ?
•• Philippe Coy : Je ne conçois pas que l’on mette les sachets de nicotine sur le même pied d’égalité que le tabac. Lorsque nous avons organisé un forum de la nicotine en mai 2024 réunissant des professionnels de la santé et des parlementaires, William Lowenstein expliquait que la nicotine est une molécule scientifiquement addictive.
Mais aussi, que le premier danger dans une cigarette n’était ni sa nicotine ni le tabac, mais bien la combustion. Il a également précisé que si l’addiction était le vrai problème, il fallait désormais interdire le sucre, le chocolat et tous les produits qui suscitent une forme d’addiction.
• Valeurs actuelles : Aujourd’hui, quelle part de marché représentent ces produits alternatifs à la cigarette classique pour les buralistes ?
•• Philippe Coy : Une très petite part, en comparaison à d’autres pays. La part de marché du sachet de nicotine se concentre à près de 62 % aux États-Unis. En France, le produit est arrivé dans les Alpes en 2024. Le gouvernement a réagi à ce sujet un an plus tard. Les pouvoirs publics ont fait preuve de plus d’audace à l’époque en autorisant les patchs de nicotine chez les pharmaciens. Pourtant, c’est de la nicotine.
• Valeurs Actuelles : Tous les buralistes de France semblent déplorer la baisse de leur vente tabac. Ce phénomène doit-il plus à l’évolution des habitudes de consommation ? À l’augmentation du trafic ? Ou à une législation défavorable aux buralistes ?
•• Philippe Coy : Nous sommes le pays en Europe avec la fiscalité tabac la plus haute : 13 euros le paquet ! L’Espagne ou l’Italie sont en dessous des 7 euros. Seule la Belgique a un prix avoisinant le nôtre, avec un paquet à 11,50 euros. D’ailleurs, les départements du Nord et du Pas-de-Calais retrouvent des volumes et des valeurs plus importants que ces dernières années.
Je serais curieux de connaître l’argument de nos détracteurs pour justifier ces chiffres ? Malheureusement, aujourd’hui, le mal est fait. Il n’y a pas un règlement de compte dans la rue, un braquage chez un buraliste ou une voiture qui passe la frontière qui ne tournent pas autour du trafic de cigarettes.
L’État a créé un climat prohibitionniste autour du tabac en France. On en trouve partout, sur internet et dans la rue. Les gens font presque trois heures de route pour aller se fournir chez nos voisins européens. Depuis 2003 et le premier Plan Cancer de Jacques Chirac, j’ai été en première ligne pour contester cette méthode de la fiscalité punitive. Aujourd’hui, la contrebande et la contrefaçon n’ont jamais autant prospéré. Il faut des actes forts. Les outils et les sanctions existent : il faut les appliquer !




