À l’occasion des augmentations actuelles de prix du tabac (voir 17 janvier et 9 février 2024), le Comité national contre le Tabac (CNCT) a réagi par un communiqué que nous reprenons.
Les fabricants de tabac augmentent le prix du tabac, s’alignant avec la politique tarifaire de Philip Morris France.
Ces hausses sont la résultante de l’absence de trajectoire fiscale dans le Plan national de lutte contre le tabagisme, dévoilé à la fin de l’année 2023, qui a donné toute latitude aux cigarettiers pour restaurer leurs marges bénéficiaires. Les prix auront donc augmenté, mais ce sera l’industrie du tabac qui en tirera les bénéfices.
•• Une stratégie initiée dès le 1er janvier par Philip Morris France
Au 1er janvier, l’indexation de la taxation du tabac à l’inflation avait conduit à une augmentation du prix du paquet de 50 centimes, insuffisante pour espérer une diminution de la consommation (voir 12 décembre 2023). En parallèle, certains fabricants avaient profité de cette hausse pour revoir leurs tarifs à la hausse. Ainsi, Philip Morris France avait appliqué une augmentation de 50 centimes supplémentaires sur plusieurs de ses marques, comme les Marlboro Red, désormais à 12,50 euros.
La même stratégie a été appliquée pour le tabac à rouler : alors que la hausse prévue par le gouvernement devait être de 70 centimes, plusieurs marques ont augmenté de 1,50 euro. Ces politiques tarifaires ont été observées auprès de plusieurs leaders du tabac à rouler, comme Pueblo, Drum ou Lucky Strike.
•• +12,4% en plus pour les fabricants pour chaque paquet vendu
Les principaux fabricants restant (British American Tobacco, Japan Tobacco, Imperial Tobacco – Seita) s’alignent sur la stratégie de Philip Morris France. Une augmentation de 50 centimes d’euros est ainsi appliquée à partir du 1er février sur les Camel, Winston, Dunhill, Gauloises, News, Vogue, etc. Ces augmentations simultanées de la part des fabricants reflètent le caractère oligopolistique de cette industrie, limitée à quelques acteurs accordés sur leurs politiques tarifaires.
Concrètement, cette augmentation de 50 centimes est extrêmement profitable pour les fabricants, qui voient leur paquet désormais vendu à 12,50 euros, permettant un accroissement de leur marge de plus de 12 %. Une telle augmentation sera toutefois sans profit pour la santé publique, puisque les hausses limitées à 5 % sont insuffisantes pour réduire la consommation.
•• Un cadeau aux fabricants permis par la pusillanimité du Gouvernement
Publié à la fin de l’année 2023, le Programme national de lutte contre le tabagisme (PNLT) n’a pas souhaité mettre en place une trajectoire fiscale, en raison des pressions de l’industrie du tabac et des buralistes.
Les arguments avancés pour bloquer une nouvelle politique fiscale pointaient le risque d’une augmentation du commerce illicite, l’inefficacité des hausses de taxes pour réduire la consommation, ou encore la nécessité d’éviter de nouvelles augmentations de prix pour préserver le pouvoir d’achat des fumeurs les plus précaires.
Cette stratégie a permis de neutraliser le PNLT, et a ainsi laissé les mains libres aux fabricants pour augmenter leurs tarifs, et donc leurs marges bénéficiaires. Cette situation démontre par ailleurs que l’industrie du tabac ne souscrit pas à ses propres objections aux hausses de taxes, notamment sur la corrélation entre le prix du tabac et le commerce illicite.
•• Pour Yves Martinet, président du Comité national contre le Tabagisme : « avec ou sans le PNLT, le prix du tabac a augmenté. En refusant la mise en place d’une trajectoire fiscale, le gouvernement s’est privé du moyen le plus efficace pour réduire la consommation, et de rentrées fiscales précieuses. La frilosité du PNLT porte la responsabilité d’avoir permis aux fabricants d’augmenter leur marge de plus de 12% sur chaque paquet vendu ».