La récente présentation, à Paris, du rapport KPMG sur le marché parallèle du tabac en France pour 2021 (voir 23, 24 et 26 juin) a suscité un certain nombre de commentaires sur place – lors d’une réunion organisée par Philip Morris France – dont nous reprenons les plus révélateurs.
•• « Au-delà, du risque sanitaire accru lié à la consommation de tabac contrefaisant, l’achat à bas coût de ce type de cigarettes, permet entretenir des réseaux issus de la grande criminalité organisée internationale. Ces réseaux de trafiquants se structurent sur des modèles transnationaux analogues à ceux des stupéfiants. Cela occasionne des dommages économiques qui impactent gravement le réseau de revente officiel des buralistes.
« La Gendarmerie, avec ses partenaires institutionnels et aux côtés des autres forces de sécurité intérieure, des marques et des manufacturiers, lutte résolument contre les atteintes à la propriété intellectuelle d’une manière générale, dans l’espace physique ou en ligne et quotidiennement contre les trafics illicites du tabac » a précisé le Capitaine Pierre Perget, de la Gendarmerie nationale, sous-direction de la Police judiciaire en charge de la lutte contre la contrefaçon.
Sans compter que le trafic de tabac reste globalement moins sévèrement sanctionné que celui des stupéfiants, ce qui encourage les trafiquants.
•• Certains quartiers d’Île-de-France comptent parmi les plus impactés. Pour Loïc Guézo, président de l’association « Demain la Chapelle » dans les 10ème et 18ème arrondissements de Paris, au cœur du seul Quartier de Reconquête Républicaine (QRR) parisien : « Entre la pression des revendeurs et les dégradations du mobilier urbain, et même des halls d’immeubles pour y placer leurs planques, le quotidien tourne au cauchemar pour les riverains des zones de deal qui supportent le poids du phénomène.
« La récente contravention de 135 euros pour les acheteurs de cigarettes de contrefaçon s’avérant insuffisante, le démantèlement des sources d’approvisionnement, au-delà des réseaux locaux de distribution, doit être une vraie priorité pour assécher durablement les réseaux ».
Si la lutte contre les points de deal est essentielle, elle ne peut se résumer au seul travail de Police de voie publique.
•• Un avis partagé par Didier Douilly, spécialiste de la lutte contre les trafics sur internet dont le taux a fortement augmenté lors de la crise sanitaire : « Les organisations criminelles s’adaptent à l’ère du temps et répondent à la demande des fumeurs qui n’arrêtent pas de fumer et n’ont plus les moyens d’acheter des cigarettes dans le réseau des buralistes.
« On s’adapte continuellement aux nouvelles techniques utilisées par les vendeurs, depuis qu’internet a permis la croissance exponentielle de la vente de contrefaçon, à l’abri des regards des forces de l’ordre, remplaçant de plus en plus les ventes dans la rue par des « market places » sur les réseaux sociaux. Être vendeur via des groupes Facebook permet de toucher jusqu’à 2 500 000 clients potentiels d’un coup, ce qui ouvre des perspectives très intéressantes pour les trafiquants ».
•• Pour Jean-Philippe Delsol, président de l’IREF (Institut de Recherches économiques et fiscales) : « L’explosion du marché parallèle, et notamment de la contrefaçon, est manifestement un effet de bord de la politique fiscale sur les produits du tabac. Effet de bord pour les finances de l’État et la politique de santé publique, effet d’aubaine pour les réseaux criminels qui bénéficient de ces reports.
« Cela devrait inciter le législateur à repenser la fiscalité comportementale en intégrant, par exemple, les progrès de l’innovation comme c’est le cas en Grande Bretagne. L’IREF plaide ainsi pour la mise en place d’un Noci-score, sur le modèle du nutri-score, avec une fiscalité différenciée visant à encourager les alternatives moins nocives en les rendant plus attractives, notamment face au marché parallèle. Un schéma qui s’appuierait sur une fiscalité différenciée visant à encourager les fumeurs à faire une transition vers les alternatives moins nocives pour ceux qui n’auraient pas arrêté la cigarette ».