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25 Mar 2016 | Pression normative
 

Dans son habituelle rubrique « Pour et contre », le supplément hebdomadaire du Parisien / Aujourd’hui en France, de ce vendredi 25 mars, revient sur le paquet de cigarettes neutre à dix euros cher à Marisol Touraine (voir Lmdt des 22 mars et 21 février). Nous reproduisons intégralement l’article et le débat.

« Toutes les consommations sont à nouveau à la hausse. » Dans son rapport annuel publié en février, la Cour des comptes s’inquiète d’une augmentation des ventes de cigarettes, après plusieurs années de baisse, et préconise un « relèvement soutenu des prix ». Une recommandation retenue par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, qui se dit favorable à une « augmentation forte, signifcative, du prix du tabac », tout en précisant que « ce n’est pas à l’horizon de ce quinquennat que le paquet de cigarettes sera à 10 euros ». En octobre 2015, une soixantaine de députés socialistes et écologistes avaient réclamé une nouvelle hausse des prix, mais l’Assemblée nationale y avait renoncé pour ne pas mettre en danger le « paquet neutre », mesure phare du gouvernement, incluse dans le programme national de réduction du tabagisme.

« Une pilule difficile à avaler pour les buralistes qui, depuis plusieurs mois, se mobilisent à travers des manifestations, des pétitions et des opérations coup-de-poing pour dénoncer des mesures qu’ils jugent contre-productives. « Je m’étonne des recommandations de la Cour des comptes, alors que le paquet neutre (…) vient tout juste d’être promulgué », a fait savoir Pascal Montredon, le président de la Confédération des buralistes. Le paquet neutre, sans logo ni couleurs, sera mis sur le marché le 20 mai. Selon un sondage Odoxa, 54 % des Français soutiennent une augmentation du prix du paquet de cigarettes, y compris jusqu’à 10 euros, et un fumeur sur deux estime qu’il arrêterait de fumer si le paquet passait à ce prix (voir Lmdt des 2 et 4 mars).

Yves MartinetYves Martinet, pneumologue au CHU de Nancy et président du Comité national contre le tabagisme.

1. Une mesure efficace pour faire baisser la consommation. La hausse du prix du tabac a déjà été testée dans de nombreux pays, dont la France. Et l’on constate que, quand les prix augmentent de 10 %, la consommation baisse de 4 %. Pour induire un changement de comportement, la hausse doit être importante.

2. Cela permettrait de financer le sevrage. L’augmentation doit porter sur la part des taxes prélevées par l’Etat, pas sur celle qui revient à l’industrie du tabac. Cet argent pourrait financer le sevrage tabagique, qui coûte cher et n’est pas totalement pris en charge aujourd’hui. Des remboursements plus importants sont mis en place pour certaines catégories de fumeurs « prioritaires », comme les femmes enceintes, mais le sevrage devrait être gratuit pour tous.

3. La contrebande n’explosera pas. Aujourd’hui, 20 % du tabac consommé en France est vendu en dehors du réseau des buralistes, dont 15 % dans les pays frontaliers. Mais ce n’est pas une problématique nationale : un habitant de la Creuse ne va pas aller acheter ses cigarettes au Luxembourg ! De plus, la contrebande n’est pas forcément liée au prix du paquet de cigarettes. En Norvège, où il coûte environ 10 euros, le taux de contrebande est faible.

Jean-Luc RenaudJean-Luc Renaud, buraliste à Agen et secrétaire général de la Confédération des buralistes.

1. Une mesure inopérante contre le tabagisme des jeunes. Le prix du tabac a beau augmenter régulièrement depuis quinze ans, les jeunes n’ont pas arrêté de fumer : ils se fournissent sur Internet ou auprès d’amis plus âgés. En Allemagne, la publicité pour le tabac est autorisée et les images chocs sur les paquets n’existent pas. Pourtant, le tabagisme des jeunes diminue car des associations sensibilisent les enfants dès l’âge de 7-8 ans.

2. Des buralistes fragilisés. En 2015, près de 1 000 débitants de tabac ont fermé leurs portes. L’augmentation des prix, le paquet neutre et l’interdiction de certaines marques vont affecter notre chiffre d’affaires. En France, nous sommes 25 000 buralistes en danger.

3. Un marché parallèle en hausse. Aujourd’hui, on peut acheter un paquet de cigarettes à 4,25 euros en Espagne ou rapporter 1 kilo de tabac à rouler du Luxembourg pour quelques euros… La contrebande augmente, mais pas les moyens de la démanteler. Après les attentats, notre chiffre d’affaires a remonté provisoirement de 1 % pour une raison très simple : les contrôles aux frontières ayant été renforcés, des clients sont revenus vers leur bureau de tabac ! Il faut absolument harmoniser les prix à l’échelle européenne.