Ces épiceries dites « de nuit », dont les horaires peuvent aller jusqu’à 24 heures sur 24, qui font leur beurre avec les cigarettes, il y en a absolument partout en ville. Le phénomène explose. Un reportage de … Monaco Matin.
La feuille est très grossièrement collée sur la devanture noire de cet établissement connu de tous dans ce quartier de Nice. Pour la lire, il faut lever la tête : « Le préfet des Alpes-Maritimes a décidé la fermeture administrative de l’établissement Alim St-Jean, pour deux mois à compter du 19 février », peut-on lire. Sans aucune autre indication. L’épicerie de nuit, située dans les quartiers est de Nice, ne pourra relever le rideau que le 18 avril.
Le 19 février, le préfet a sanctionné également Phoenix Market, à l’ouest de la ville. Ces deux épiceries « de nuit » vendaient des cigarettes de contrebande, la seconde ajoutait du protoxyde d’azote (gaz hilarant) au menu : c’est aussi un délit.
•• « Des clopes, tu vas en trouver partout ici, même là-bas sur le parking, les deux types derrière la voiture, c’est pour ça …”, rigole un riverain qui avait l’habitude de se fournir chez Alim St-Jean. C’est fermé ? Pas de problème, il n’a que quelques dizaines de mètres à faire pour avoir son paquet à 6, 7 ou 8 euros … Dans ce quartier, trouver des cigarettes à un prix défiant toute concurrence est d’une facilité déconcertante.
Quelques rues plus loin : des bonbons à profusion, des boissons sur toutes les étagères, beaucoup d’alcool, des préservatifs. Et, pour la forme, trois paquets de pâtes et quelques boîtes de thon. Mais, à la vue des clients, pas de cigarettes.
•• Dans cette épicerie, elles sont minutieusement cachées, sauf pour les douaniers qui les trouvent à tous les coups en cas de descente. « C’est le jeu, on les cache pour la forme, dans des sacs-poubelles, dans des emballages vides, derrière les meubles, dans le faux plafond », déclare le gérant, assis derrière le comptoir. « J’ai toujours en stock environ 25 ou 30 paquets pour le matin, la même chose pour l’après-midi et je me fais ravitailler pour le soir », dit-il, avant de baisser le ton en scrutant le client qui vient d’entrer.
Les bonnes journées, il peut dépasser les 100 paquets vendus. Il sourit : « En moyenne je tourne à 60, 70 par jour », sourit-il En sortant son tiroir-caisse « black », une simple boîte, il jure : « Faut pas croire, c’est du boulot et de l’organisation, pour la remplir ! Tu dois pas compter tes heures et tu dois assurer pour te fournir ». Cet argent-là, ne rentrera jamais dans sa comptabilité.
•• L’épicier sait que c’est illégal. « Ce sont les femmes qui vont en Italie prendre les cigarettes, elles ont le truc », grimace-t-il avec un clin d’œil, « ce n’est pas si difficile ». Et, il ne craint guère les sanctions : « c’est pas énorme ce que tu risques, j’ai jamais trop de matos dans la boutique ». Au pire, il déménagera. La cinquantaine, il l’a déjà fait : « avant je faisais ça dans une autre ville proche d’une autre frontière, je me suis fait trop contrôler, c’était mort pour le business. Alors je suis venu ici, quand je serai trop démasqué, j’irai encore ailleurs ».
En ce moment, ses cigarettes viennent d’Italie. « T’achète le paquet 5 balles, alors que c’est 12 chez nous et tu le revends 8 euros.
Les « mois italiens » tu peux te faire 4 000 ou 5 000. Quand les clopes viennent d’Algérie, tu te fais 2 ou 3 euros de plus. « Avec le tabac à rouler, en plus des clopes, on peut se faire 8 000 euros par mois. Et c’est du black », admet-t-il. « J’ai arrêté les clopes à l’unité, c’est hyperrentable, mais ça attirait une clientèle qui m’affiche, je préfère pas, ces clients craignent parfois, c’est limite, s’ils te demandent une demi-clope », rit l’épicier.
Il a déjà repéré sa solution de repli, s’il est contraint de fermer : « Et ce sera encore mieux, parce que le local que j’ai vu est pas loin d’un bureau de tabac, le meilleur emplacement pour nos business ». (Voir aussi 5 septembre et 13 juin 2023).