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16 Août 2021 | Trafic
 

La contrebande de tabac a plusieurs visages. Celui des individus interpellés par les forces de l’ordre après avoir écoulé des tonnes de marchandise dans les Pays de la Loire. Ou celui de ces jeunes qui prennent beaucoup de place au cœur de Nantes, par exemple, pour vendre leurs paquets à la vue de tous.

Derniers maillons d’une chaîne d’un business « considérable » sur laquelle a enquêté Ouest France (édition 16 août).

•• Au croisement des lignes de tram, ils font des blocs de béton de la place du Commerce leur bureau de change. Ici, au cœur de Nantes, ils tiennent boutique quasiment à toute heure.

Cet après-midi, on les questionne sur des cigarettes. « Des Winston rouge ! ». Sa sacoche contient quelques paquets. En se montrant insistant sur la provenance, le vendeur se referme. Un autre, qui veille sur une valise à roulettes métallisée comme si elle contenait un trésor, prend ses distances lui aussi.

Un homme plus âgé intervient. il raconte être un acheteur régulier de cigarettes de contrebande. Rien d’autre. Il connaît leur histoire, leurs combines : « la police vient régulièrement les contrôler ou les interpeller. Ils connaissent la garde à vue, mais ils restent deux, trois mois, et repartent. Ça tourne. »

D’où viennent ces clopes ? « Lui, il vend des paquets provenant de Belgique ou d’Espagne. » Tant pis si les inscriptions sur le paquet sont écrites en langue hellénique. « Elles sont contrôlées, ce sont des bonnes cigarettes », promet l’interlocuteur. Ce qui expliquerait le prix plus élevé (7 euros le paquet) que celui du voisin installé à seulement deux mètres. « À 5 euros, c’est de la merde. »

•• Observateurs de ces ventes à la sauvette, mené à deux pas de bureaux de tabac, des policiers confirment : « à Commerce, on trouve de tout. Des parfaites imitations réalisées dans des usines de fabrication clandestines en Belgique, et d’autres où on trouve du foin plutôt que du tabac. J’exagère à peine, d’après ce que nous disent des poids lourds comme Philip Morris. »

Les enquêteurs disent que ces petites mains achètent les paquets seulement 1 euro.

C’est le bas de la chaîne. La partie visible d’un trafic où Nantes et Angers prennent de plus en place. « C’est considérable » observe un magistrat du parquet nantais à la lecture de différentes belles saisies réalisées ces derniers mois (voir 4 août, 6 juin ainsi que 12 et 21 avril).

« Ce qu’on constate depuis qu’on bosse sur ces réseaux, c’est qu’il s’agit d’un trafic communautaire, tenu par des Arméniens pour la plupart » : difficile d’en savoir plus, reconnaît un douanier, « ces individus ne parlent pas en garde à vue. »

•• Il y a quelques certitudes, malgré tout. « Les cigarettes ou le tabac à rouler proviennent de Slovénie ou de Pologne, dans nos dossiers. Toutes nos affaires se recoupent. Les réseaux ne sont pas du tout cloisonnés. Et finalement, on retrouve souvent les mêmes personnes d’une procédure à une autre » glisse un enquêteur.

« Elles importent la marchandise, puis on trouve les grossistes, et ensuite des individus qui viennent récupérer les cartouches par palette, des semi-grossistes qui doivent faire le lien avec les détaillants. Ces réseaux font venir les cigarettes par camion avant que ça se déverse dans la rue. On a pu constater, durant nos surveillances, que très peu de poids lourds sont contrôlés sur la route avant d’arriver à Nantes … ».