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27 Juin 2016 | Pression normative
 

Buraliste linéaireLinéaire paquet neutreLa semaine dernière, dans un texte intitulé « Démantèlement de la filière tabac ? » (voir Lmdt du 20 juin), nous signalions le risque de voir supprimer d’un trait de plume – en plus du paquet neutre – un certain nombre de produits, tout cela parce que leurs noms ne seraient plus homologués.

Certains évoquent la possibilité de voir passer à la trappe quasi 60 % des références !

Comment en sommes-nous arrivés à cette situation abracadabrante ?

• Parmi les nombreuses dispositions de la nouvelle Directive tabac européenne (transposée dans notre réglementation, avec le paquet neutre qu’elle autorise) existe cet article 13 visant à restreindre, sur les paquets et conditionnements des produits du tabac, l’utilisation d’éléments contribuant « à la promotion d’un produit du tabac ».

C’est-à-dire ? Des critères sont évoqués dans l’article. Devraient être ainsi prohibés :

> ce qui « incite à sa consommation (du tabac) en donnant une impression erronée quant aux caractéristiques, effets sur la santé, risques … » ;
>
ce qui « suggère qu’un produit du tabac donné est moins nocif que d’autres … ou présente des propriétés vitalisantes, énergisantes, curatives, rajeunissantes, naturelles, biologiques ou a des effets bénéfiques sur la santé ou le mode de vie » ;
>
ce qui « évoque un goût, une odeur, tout arôme ou tout autre additif ou l’absence de ceux-ci » ;
>
ce qui « ressemble à un produit alimentaire ou cosmétique » ;
> ce qui « suggère qu’un produit du tabac donné est plus facilement biodégradable ou présente d’autres avantages pour l’environnement ».

Tout cela, entre nous, permet beaucoup d’interprétations possibles selon l’œil que l’on porte sur les marques et appellations des produits du tabac.

• Justement, qu’en pense-t-on du côté du ministère de la Santé ?

Nous y sommes habitués, l’interprétation de cet article risque d’être restrictive et de conduire tout droit à une nouvelle sur-transposition :

> par exemple, l’expression « effets sur le mode de vie » peut ouvrir à toutes les interprétations ;
>
 on peut se retrouver avec la suppression pure et simple de certaines marques ;
> de même pour les dénominations commerciales comme « Gold », « Silver », « Blue » ou « Green » ;
> autre exemple saisissant : l’interdiction d’évocation du goût amène directement à la suppression des dénominations commerciales du type « menthe », « mint » ou « menthol » … alors que les cigarettes mentholées restent autorisées jusqu’en mai 2020.

• Ce serait, avec le paquet neutre, un handicap de plus avec les pays voisins qui alimentent le trafic frontalier : la France serait la seule à supprimer certaines marques et dénominations commerciales.

• Où en sommes-nous ? On attend encore le décret d’application qui va donner des indications concernant cet article, mentionné dans l’ordonnance de transposition de la Directive Tabac européenne (voir Lmdt du 23 mai).

Il serait temps … rappelons que le 20 novembre prochain, Logista n’a plus le droit de livrer aux buralistes des paquets qui ne soient pas conformes à la Directive (voir Lmdt des 9 et 11 mai).

Mais de toute façon, le ministère de la Santé se garde le dernier mot. Puisque désormais, il co-signe avec le Budget toute homologation des prix.

Or, l’ordonnance de transposition a introduit un nouvel article dans le Code général des Impôts : l’homologation des prix est subordonnée au respect des contraintes nées de l’article 13. La Santé peut donc bloquer la mise sur le marché de produits dont le nom, à ses yeux, participerait à la promotion du tabac.

La boucle est bouclée.

L’arrivée du paquet neutre risque donc d’être accompagnée de la disparition pure et simple de marques et dénominations commerciales.