Toutes variétés confondues, les ventes de Coca-Cola dans le monde sont toujours à la hausse, aussi bien en volume qu’en valeur.
Mais … dans la série « Le Grand Entretien » des Échos (voir Lmdt du 27 janvier), James Quincey (Pdg de Coca-Cola) analyse les nouveaux ressorts de la consommation et la façon de … se transformer pour s’y adapter : « Coca-Cola doit passer en mode agile ».
Il nous parle aussi de cannabis, d’obésité et de collecte de déchets.
•• Le consommateur a-t-il vraiment changé ?
« (…) La grande évolution est que nous sommes passés d’un monde qui souffrait globalement d’une forme de pénurie alimentaire à un monde de surplus. Le principal problème aujourd’hui, ce n’est pas de se nourrir. C’est de se nourrir bien. L’autre nouveauté est qu’après des années placées sous le règne de la globalisation, le consommateur redécouvre le goût pour les produits locaux.
« Et enfin, l’autre grand changement concerne la manière d’acheter et les lieux où on achète. Les canaux de consommation se sont multipliés et diversifiés. Et lorsque les consommateurs achètent leurs vêtements en ligne, ils fréquentent moins les centres commerciaux et cela a un impact sur les ventes de boissons. Nous devons donc nous adapter. »
•• Comment Coca-Cola s’est-il adapté à toutes ces évolutions ?
« (…) Pendant plus d’un siècle, nous avons pu nous développer en offrant une gamme de produits relativement limitée. Aujourd’hui, il est indispensable que nous proposions des gammes plus larges tant en termes de gamme de prix, que de produits.
« Et nous devons en parallèle nous adapter sur le front de la distribution. Pendant plus de cent ans, notre priorité absolue était d’être les meilleurs dans les linéaires de la grande distribution. Aujourd’hui, nous devons aussi être les plus performants dans tous les canaux, y compris sur les sites d’e-commerce.
•• Comment la révolution digitale vous affecte-t-elle ?
« (…) Dans le monde pré-digital, il y avait l’organisation interne d’un côté, les messages publicitaires d’un autre et les actes d’achat d’un autre côté encore. Aujourd’hui, tout est lié. Les gens font les courses avec le téléphone à la main, si bien que les moments de communication avec eux et les instants d’achat se superposent. Cela change considérablement les manières d’opérer (…)
•• Cela va-t-il vous obliger à revoir votre stratégie ?
« Plus que des changements de stratégie, nous allons devoir adapter nos tactiques. Les gens regardent moins la télévision et plus de programmes en streaming. On ne peut plus se contenter d’un spot publicitaire ou se dire que l’on va attirer les consommateurs sur les sites Internet de nos marques.
« Nous devons les accompagner là où ils sont. Et cela varie d’un pays à l’autre. Les sports ou les musiques préférées ne sont pas les mêmes partout. (…) Aujourd’hui, il faut multiplier les formes de messages, il faut aller bien plus vite et il faut accepter de tester et d’essayer tout en cherchant à s’améliorer en route. Nous devons passer dans un mode « agile ».
•• A-t-on atteint un pic de consommation pour les colas ?
« (…) Toutes variétés confondues, les ventes de Coca-Cola dans le monde sont toujours à la hausse aussi bien en volume qu’en valeur. Il est en revanche probable que nous ayons atteint un pic dans la consommation de boissons sucrées.
« Si le marché des boissons gazeuses est globalement en croissance, c’est grâce aux variétés sans ou avec moins de sucres. Notre ambition est d’ailleurs de continuer notre croissance tout en réduisant la quantité totale de sucres que nous utilisons dans nos boissons.
•• Jusqu’où pouvez-vous aller dans la diversification ?
« (…) J’estime qu’il faut conserver un certain niveau de cohérence. La question est de savoir quel est le meilleur moyen pour nous de développer les bonnes synergies. Le snacking est par exemple bien plus lointain que d’autres segments des boissons où nous ferons bien plus vraisemblablement nos prochains développements. Dans les boissons chaudes, par exemple, nous venons de faire une acquisition importante avec Costa Coffee.
« (…) Nous avons effectivement lancé des boissons légèrement alcoolisées en canettes au Japon, mais il s’agit d’un marché très particulier dans lequel nous devions compléter notre offre face à la concurrence locale (…)
« Quant aux boissons à base de cannabis, j’ai une approche simple : nous ne commercialisons que des produits sûrs, légaux et dont la consommation ne doit pas être encadrée ou limitée. Pour l’instant, il n’y a pas de consensus prêtant de telles qualités aux boissons à base de cannabis. »
•• En enrichissant votre offre, tout devient aussi plus complexe ?
« (…) Pendant longtemps, Coca-Cola c’était une boisson, un type de bouteille et un petit nombre de messages publicitaires pour la terre entière. (…)
« Aujourd’hui, le consommateur veut plus de choix. Il veut en particulier que nous continuions d’offrir nos grands classiques, mais il veut aussi que nous proposions régulièrement des nouveautés (…) Nous devons introduire de la nouveauté mais aussi apprendre à arrêter des produits qui ne séduisent plus assez. Je dis que nous devons apprendre à tuer les zombies. Qu’avons-nous à gagner si nos vitrines réfrigérées sont remplies de boissons qui se vendent à peine ? ».
•• Vous sentez-vous une part de responsabilité dans le problème de l’obésité ?
« Plus personne ne peut douter que nous cherchons à nous attaquer à ce problème et que nous allons dans la bonne direction en proposant un nombre toujours plus important de boissons peu ou pas sucrées.
« Nous agissons à notre niveau, mais on ne pourra pas régler un problème aussi important que l’obésité en agissant seulement sur le front des boissons. La solution passera aussi par une implication forte des pouvoirs publics dans chaque pays. »
•• Votre responsabilité est aussi engagée en matière de pollution par le plastique ?
« (…) Nous voulons contribuer à régler ce problème. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés il y a un an à collecter 100 % de nos packagings, bouteilles ou canettes, d’ici 2030 et à incorporer 50 % de matières recyclées dans nos emballages. Il existe des solutions techniques et économiques qui permettent de régler ce problème. Dans les pays développés comme en Europe nous pouvons même le faire d’ici 2025 (…) ».