Une fenêtre sur l’actualité quotidienne de tous les événements liés directement ou indirectement au tabac
10 Mar 2021 | Trafic
 

Le trafic de cigarettes revient sur le devant de la scène lyonnaise avec une actualité judiciaire chargée en mars : le délibéré, attendu pour le 26, d’un procès en contrefaçon (voir 16 janvier 2021) et la comparution, en fin de mois, d’un épicier pris en flagrant délit de revente de cigarettes … D’où cette remarquable enquête de Lyon Capitale. Extraits.

•• « Ici, c’est le plus grand tabac à ciel ouvert de l’agglomération lyonnaise », annonce un douanier lyonnais en évoquant la place Gabriel-Péri.

Cigarettes de contrebande ou contrefaites, les petites mains – « en grande majorité de jeunes sans-papiers dans une misère certaine », dixit un fonctionnaire de l’État – vendent à la sauvette, entre 4 et 5 euros pièce, et se relayent tout au long de la journée. Ce sont les derniers maillons de la chaîne, les tâcherons.

Leur salaire se fait sur la maigre marge qu’ils obtiennent à la revente. Car derrière, le trafic s’organise selon un schéma pyramidal classique : guetteurs (à la jumelle à la Guillotière), responsables de points de vente, approvisionneurs, intermédiaires et grossistes.

Et les marges deviennent intéressantes. Pour les cigarettes de contrefaçon, le coût de fabrication d’un paquet est d’un euro.

•• Selon un audit commandé par Philip Morris France, les cigarettes falsifiées de A à Z représentaient 1,5 % de la consommation totale lyonnaise au premier trimestre 2020 pour atteindre 10,5 % au deuxième trimestre et clore à 20 % en fin d’année : +1 200 %.

« Le trafic grossit à chaque augmentation du prix du tabac  » soulignent les autorités. « Le confinement, avec la fermeture des frontières et les restrictions de déplacement, a aussi incité les fumeurs à se diriger vers le marché parallèle », ajoutent les Douanes.

« Ce que je peux vous dire, c’est qu’on est sur une tendance plutôt haussière à Lyon », indique David Cugnetti, directeur des services douaniers et chef du pôle orientation des contrôles à Lyon.

•• Bercy a beau répéter, à chaque grosse saisie, que la lutte contre la contrebande de tabac est devenue une priorité, pour le professeur de criminologie au Conservatoire national des Arts et Métiers , Alain Bauer, le discours est fumeux : « entre les cigarettes de contrefaçon et la cocaïne, les autorités ont vite choisi : la deuxième, évidemment ».

« Le temps du petit artisanat c’est fini » assure Daniel Bruquel, chef du service Prévention du Commerce illicite chez Philip Morris France. « On est désormais sur du professionnel, avec des structures de criminalité organisées qui approvisionnent par camions entiers, et des usines clandestines qui sortent 60 000 paquets par jour. On n’est plus sur de l’amateurisme mais sur de l’organisation criminelle robuste. »

•• « Un véritable tonneau des Danaïdes », explique un policier lyonnais. Dans les faits, le gros des affaires de cigarettes qui arrive devant la justice lyonnaise est constitué de vendeurs à la sauvette. « Ainsi, les individus interpelés ne sont généralement d’aucune utilité pour remonter les réseaux. Ils ignorent à peu près tout des organisations dont ils ne sont que les employés précaires de base », explique Laurent Mucchielli, auteur de l’étude  « La répression des trafics de cigarettes dans la région marseillaise ».

Pas sûr que le patron de la petite épicerie lyonnaise n’en sache (ou n’en dise) beaucoup plus.

(voir aussi 13 janvier 2021, 19 décembre et 17 novembre 2020).