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8 Mar 2018 | International
 

En cueillant, une à une, les grandes feuilles vertes des plants de tabac, les paysans cubains savent qu’ils touchent de l’or : les havanes, ces cigares de luxe qui font la renommée de l’île, viennent encore de vivre une année record, nous a rapporté l’AFP.

« Ce tabac fait pleurer (de joie) les Chinois », dit fièrement Fernando Hernandez, 50 ans, qui dirige la récolte dans un champ de Pinar del Rio, à 160 kilomètres à l’ouest de La Havane. Dans la quiétude du matin ensoleillé, seuls se font entendre les crissements des feuilles détachées, qui donneront bientôt naissance aux meilleurs cigares du monde.

•• Et la Chine les attend avec impatience : désormais troisième pays consommateur de havanes, derrière les historiques que sont la France et l’Espagne, il a augmenté ses achats de 24 % en 2017 (voir Lmdt des 28 et 27 février). Grâce à l’appétit du géant asiatique, les ventes mondiales de cigares ont grimpé de 12 % à 500 millions de dollars selon le secteur, dépassant la croissance du marché du luxe, de 5 % selon le cabinet Bain and Company.

« La Chine a une demande à laquelle nous devons répondre et nous pouvons compter sur une croissance à deux chiffres dans les années à venir », a estimé José Maria Lopez Inchaurbe, vice-président de Habanos S.A, à l’ouverture du Festival du havane, organisé dans la capitale cubaine (voir Lmdt du 14 février).

« Cette année, ce n’est pas mal, mais ce n’est pas non plus la meilleure année. L’an dernier il a plu et pas cette fois, donc le tabac ne se rafraîchit pas », explique Lazaro Lazo, 48 ans, qui récolte le tabac depuis vingt ans. « La pluie, c’est le médicament de la plante ».

Fernando Hernandez le promet : ici, on produit « le meilleur tabac du monde. À cause du sol. Pour le tabac, la terre colorée de Pinar del Rio, c’est ce qu’il y a de mieux ».

Mais il est frustré par l’embargo américain, imposé depuis 1962. « Sans ça, on produirait plus », dit-il.

•• Habanos S.A., propriété de l’État cubain et du groupe espagnol Altadis (filiale du britannique Imperial Tobacco), exportent les cigares dans la majeure partie du monde, mais pas question d’entrer aux États-Unis.

De quoi irriter les Cubains, qui n’oublient pas qu’en 1962, le président américain John F. Kennedy avait ordonné à son conseiller de lui acheter 1 000 cigares. Juste après les avoir reçus dans son bureau, il signait la loi d’embargo. « Le jour où cet embargo sera levé nous saurons quoi faire pour approvisionner le marché nord-américain », assure Leopoldo Cintra, vice-président commercial de Habanos S.A.

Pour l’heure, l’Europe absorbe 54% des exportations, suivie par l’Amérique latine (17 %) et la région Asie-Pacifique (15 %).

Signe des temps qui changent, au Festival du havane, les Chinois ont installé un stand, où ils proposent des accessoires pour fumeurs, avec comme slogan accrocheur : « le cigare est à l’homme ce que le parfum est à la dame ».

Pour conquérir de nouveaux marchés, « nous avons l’Académie du havane depuis plusieurs années, et rien qu’en 2016 nous avons formé 11 000 (nouveaux) consommateurs dans le monde », indique José Maria Lopez, vice-président chargé du développement de Habanos S.A.

Les cigares donnent du travail à près de 130 000 Cubains, sur une île d’environ 11 millions d’habitants. Alberto Pruna, 69 ans, a commencé à neuf ans. « Oui, on est bien payés », assure-t-il, car « avant (la révolution menée par Fidel Castro, ndlr), on travaillait presque gratis ».