La légalisation du cannabis, à prix majoré (de 40% par rapport au prix pratiqué au marché noir) et dans le cadre d’un monopole public, pourrait rapporter 1,8 milliard d’euros à l’État … selon une étude du think tank « Terra Nova » (proche de la majorité), publiée ce vendredi 19 décembre dans Le Monde.
Intitulée « Cannabis : réguler le marché » et signée des économistes – connus pour leur travail sur la drogue – Christian Lakhdar (Lille 2) et Pierre Kopp (Panthéon-Assas), l’étude évalue, à travers trois scénarios, les impacts financiers et sanitaires d’un cadre moins répressif sur le cannabis.
D’abord, le constat : une prévalence parmi la plus élevée d’Europe (8,4 %) ; 550 000 fumeurs de joint quotidiens et un coût annuel de 568 millions dont 300 millions pour les seules interpellations. « La politique de répression est en échec en France » relèvent les économistes qui abordent aussi trois alternatives.
1/ La dépénalisation, comme en Espagne ou au Portugal, en supprimant les sanctions en cas de détention pour des fins personnelles. En réduisant de 55 % le coût de la répression, l’économie serait de 311 millions par an. Le prix restant inchangé, il n’y aurait pas d’outil pour influer sur la consommation … au contraire. La hausse du trafic serait de 16 %, il y aurait + 12 % de consommateurs quotidiens et 309 000 consommateurs occasionnels supplémentaires.
2/ La légalisation dans le cadre d’un monopole public, le cannabis devenant un bien marchand tel le tabac, comme en Uruguay.
• Ce qui permettrait à l’État de jouer sur le prix pour « garantir » une relative stabilité de la consommation. Par exemple, avec une majoration de 40 % (de 6 euros le gramme à 8,40 euros) et une taxation au même niveau que le tabac (80 %), l’étude estime que les recettes de l’État pourraient atteindre 1,3 milliard d’euros par an et réduire de 92 % le coût de la répression. Soit un impact budgétaire de 1,8 milliard. Pour contourner le problème d’un développement du marché noir, les auteurs suggèrent de légaliser d’abord à un prix proche du marché noir, pour l’assécher, puis à enchaîner progressivement les hausses de prix.
• Dans l’hypothèse où le prix reste inchangé, le nombre de d’usagers quotidiens augmente de 47 % (à 812 000) et l’État empocherait 1,6 milliard d’euros. Soit un impact global de 2,1 milliards (si le marché noir disparaît).
3/ La légalisation dans un cadre concurrentiel. Le prix, défini par le jeu du marché, devrait baisser (comme au Colorado). Conséquences : un nombre d’usagers quotidiens approchant le million et des recettes fiscales maximales de 1,7 milliard d’euros. Même si la réduction des dépenses est moindre (impactée par des dépenses de santé plus importantes), le gain total avoisinerait 2,2 milliards d’euros.
L’enjeu étant plus sanitaire que financier, l’étude penche, dans ses conclusions, pour le second scénario, ajoutant même qu’il pourrait créer 13 000 emplois, hors production. Sans régler la question du devenir des 100 000 individus qui tirent actuellement un revenu du cannabis.
Les chercheurs rappellent que c’est cette approche – prévention et majoration des prix – qui a permis de réduire le tabagisme : « le problème, c’est qu’en France le cannabis n’est pas cher. Le système clandestin le rend très bon marché, parce que c’est un duty-free », décrypte Romain Perez de Terra Nova.
Au train où va le développement du marché parallèle, on se demande s’il ne va pas falloir bientôt appliquer l’un de ces scénarios au tabac … Plus sérieusement, il est évident que les pistes de réflexion vont faire l’objet de multiples rebondissements. À suivre.