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3 Août 2023 | Observatoire
 

Le rapport « Le coût social des drogues : estimations en France en 2019 » de lObservatoire français des Drogues et des Tendances  addictives (OFDT), réalisé par Pierre Kopp professeur à luniversité Panthéon-Sorbonne (Paris I) vient de paraître (voir 2 août).

Ainsi débute un communiqué du CNCT (Comité national contre le Tabagisme), du 2 août, que nous reprenons.

•• Ce rapport évalue le coût monétaire social des drogues en France : tabac, alcool et drogues illicites.

Les données sont sans appel et renforcent encore l’ampleur du coût déjà chiffré dans le passé. Le tabac coûte à l’État plus de 1,6 milliard deuros et représente un coût social annuel de 156 milliards deuros, rapporté au nombre total dhabitants, cela équivaut à un coût de 2 300 euros net/annuel par habitant, fumeur ou non. Ces données confirment à nouveau que le tabac est un véritable fardeau pour les finances publiques et que des dispositions rapides doivent être adoptées.

En 2019, les taxes sur les produits du tabac ont rapporté à l’État 13,1 milliards d’euros. En entraînant la mort prématurée de près d’un consommateur régulier sur deux, le tabagisme a permis la même année de dégager 2,8 milliards d’euros d’économie sur les retraites non versées.

•• Pour certains, la forte impression suscitée par ces chiffres suffit pour affirmer que le tabac est une manne financière pour l’État. Mais malgré les recettes des taxes prélevées sur le tabac et les économies de pension de retraite non versées du fait des décès, le coût des soins dépasse le montant de ces recettes. Les seules dépenses de santé liées au tabac se sont élevées en 2019 à 16,4 milliards d’euros pour les pouvoirs publics.

En ajoutant à cela les 778 millions d’euros investis dans la prévention, la répression et les dépenses sociales, le calcul est clair : le tabac coûte à l’État plus de 1,6 milliard d’euros, soit 2,3% du déficit public français. Plus difficilement quantifiables, d’autres facteurs pourraient grossir ce chiffre, comme le coût environnemental du tabac pour la sphère publique, illustré par la pollution endémique générée par les mégots.

•• Pendant plus de deux ans, la puissance publique a été massivement mobilisée dans le cadre de la gestion de la pandémie de Covid-19. Rien ne peut aujourd’hui justifier que le tabagisme vienne fragiliser un équilibre budgétaire soumis à rude épreuve.

Le tabac, avec les désastres humains qu’il entraîne et l’hémorragie fiscale qu’il provoque, n’est pas une fatalité. En février 2021, le président Macron a appelé de ses vœux l’objectif d’atteindre en 2032 la première génération sans tabac : à cette date, un maximum de 5% des adolescents âgés de 18 ans seront alors consommateurs de tabac.

Pour ce faire, les moyens alloués à la lutte contre le tabagisme doivent être élargis. Tous les exemples montrent que la dépense publique allouée à ce poste est un investissement. En Californie, les 2,3 milliards de dollars investis dans la lutte contre le tabagisme entre 1989 et 2008 ont permis de réduire de 130 milliards d’euros les dépenses de santé. En France, bien qu’à plus petite échelle, on retrouve ce même retour sur investissement : un rapport de l’OCDE évaluait un rendement de quatre euros pour chaque euro investi dans la lutte antitabac.

La lutte contre le tabac est une mesure de bon sens économique et fiscal : les études montrent quune diminution de la consommation de tabagisme permet de libérer du pouvoir dachat auprès des anciens fumeurs, redirigés vers une consommation de biens et de services créateurs d’activité, et donc de rentrées fiscales.

•• Un tel objectif de santé publique appelle par ailleurs à la cohérence. Alors que les hausses de taxes régulières et significatives sont le levier le plus efficace et le plus rentable pour faire diminuer le tabagisme, aucune politique fiscale sur les produits du tabac nest à ce jour envisagée par les pouvoirs publics en France.

Véhiculée par l’industrie du tabac, la menace supposée dun effet daubaine pour les marchés parallèles nest pas sérieuse, d’autant qu’un faisceau de preuves démontre l’implication des multinationales dans le commerce transfrontalier comme dans la contrebande mondiale. Enfin, une lutte efficace contre le tabagisme exige la cessation du soutien financier dun secteur qui coûte au contribuable.

Depuis près de vingt ans, la profession des buralistes est massivement subventionnée par les pouvoirs publics, notamment dans le cadre de la diversification de leurs activités et d’une sortie progressive du tabac. Pourtant, l’engagement des débitants de tabac ne semble pas tenu : près de 15 ans après l’interdiction de vente aux mineurs, deux buralistes sur trois continuent de vendre du tabac à des adolescents de 17 ans.

Chaque année, près de 75000 Français meurent prématurément à cause du tabagisme. Le Comité national contre le tabagisme rappelle qu’il est temps que cette donnée cesse de résonner aux yeux des décideurs politiques comme une abstraction statistique, et que les pouvoirs publics prennent la mesure de l’ampleur des dégâts humains, économiques, financiers et environnementaux occasionnés par le tabac : des solutions existent. Il est aussi grand temps que ceux qui sont à lorigine de ces dégâts sanitaires et ces coûts contribuent à compenser les dommages quils causent.