La lutte contre le trafic de cigarettes ne doit plus être confiée aux industriels du tabac, a estimé le Parlement européen, qui a demandé à la Commission de mettre un terme à un accord en ce sens conclu en 2004 avec le cigarettier Philip Morris (voir Lmdt de ce jour). Dans une résolution non contraignante, les députés demandent à l’exécutif européen de ne pas renouveler ou prolonger cet accord, appliqué depuis 12 ans mais qui expire le 9 juillet prochain, précise la dépêche AFP.
En 2004, Philip Morris s’était engagé à collaborer avec les autorités européennes pour lutter contre la contrebande de cigarettes. Dans le même temps, l’industriel avait accepté de verser 1,25 milliard de dollars sur douze ans à l’Union européenne et à ses Etats membres. En échange, l’UE avait mis fin aux procédures judiciaires qu’elle avait engagées contre le cigarettier pour récupérer les droits de douane et autres taxes perdus à cause de la contrebande – c’est-à-dire la vente en dehors des circuits légaux de « vraies » cigarettes, à ne pas confondre avec la contrefaçon, qui ne profite pas aux fabricants. L’UE avait ensuite conclu des accords similaires avec trois autres géants mondiaux du tabac : Japan Tobacco en 2007, puis British American Tobacco et Imperial Tobacco en 2010.
Entre 2006 et 2014, les saisies de cigarettes de contrebande du groupe Philip Morris ont baissé de 85% à travers l’UE, mais il est difficile d’établir en quelle mesure cela était dû à l’accord de 2004, avait estimé en février devant le Parlement la commissaire Kristalina Georgieva. En 2019, les fabricants seront tenus par une nouvelle législation européenne d’assurer la traçabilité des cigarettes, mais en attendant, Mme Georgieva a fait savoir qu’elle s’interrogeait sur la nécessité de prolonger l’accord existant, rappelle l’AFP.
Sur ce point, les eurodéputés ont majoritairement répondu « non ». Ils ont notamment souligné que depuis 2004 la situation du marché illégal du tabac avait beaucoup changé : il est désormais inondé par des cigarettes à bas coût, fabriquées en dehors de l’UE. Vendues sans marque, elles ne sont pas concernées par l’accord.
« Le problème n’a donc pas été résolu mais déplacé », a observé le député socialiste belge Marc Tarabella, si bien que désormais l’accord « permet aux grands cigarettiers de s’acheter une conscience », selon lui.
Pour l’écologiste José Bové, prolonger l’accord avec Philip Morris reviendrait à « confier la lutte contre la criminalité organisée à Al Capone ».
« En déléguant aux fabricants la responsabilité du contrôle des produits du tabac, la Commission européenne se place clairement en situation de conflit d’intérêts », a renchéri sa collègue de droite Françoise Grossetête.