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31 Mar 2016 | Observatoire
 

Contrebande Ramasse-paquetsAprès sa charge contre paquets de cigarettes et bouteilles – irlandaises – neutres (voir Lmdt du 5 juillet 2015), le blog de Romainlec (publié sur Mediapart), de ce mercredi 30 mars, s’en prend aux déclarations de Marisol Touraine sur une nouvelle hausse des prix du tabac (voir Lmdt des 22 mars et 21 février). Son analyse : faute de faire diminuer le nombre de fumeurs, l’augmentation des taxes sur les cigarettes aurait pour seul effet d’accroître le commerce parallèle et la mise en danger d’une économie déjà fragilisée.

« En Australie, la mise en place du paquet neutre et l’augmentation des prix (14,50 euros en moyenne pour un paquet), ont contribué au développement du marché parallèle qui représente aujourd’hui 15 % de la consommation totale de cigarette et près d’un milliard d’euros de recettes fiscales en moins pour l’État.

« Au Québec, où le prix moyen du paquet s’élève à 8 euros, le durcissement de la loi sur le tabac a considérablement dopé le marché parallèle, qui propose des cartouches quatre fois moins chères que dans le commerce légal. Plusieurs saisies d’envergure ont été effectuées par les forces de l’ordre québécoises ces dernières années, comme le démantèlement en janvier 2016 à Sherbrooke d’un réseau de contrebandiers qui revendaient également du cannabis, de la méthamphétamine et du crack.

« Fin février, le cigarettier canadien Imperial Tobacco a d’ailleurs déposé une requête devant le tribunal pour protester contre les dérives de la loi sur le tabagisme (voir Lmdt du 19 novembre 2015). « Il y a une industrie illégale au Québec qui ne respecte aucune réglementation sur le tabac, qu’elle soit provinciale ou fédérale », a argumenté Éric Gagnon, directeur des affaires corporatives du groupe, « Et là, ce qu’on fait, c’est qu’on impose encore plus de mesures sur l’entreprise légale. Par conséquent, les contrebandiers vont probablement trouver des opportunités de croissance encore une fois ».

« Au Canada comme en Australie, la hausse des taxes sur le tabac a entraîné une explosion du commerce parallèle, où le trafic de cigarettes côtoie désormais de près ceux, autrement plus dangereux, de la drogue et des armes.

« D’après une étude publiée en 2014 par l’Institut économique de Montréal (voir Lmdt du 25 janvier 2014), les taxes « puritaines » sur des produits jugés nuisibles comme le tabac, l’alcool et les jeux de hasard atteindraient rarement leurs objectifs par ailleurs contradictoires, puisqu’ils visent à faire baisser la consommation publique tout en augmentant les recettes fiscales. Selon les chercheurs, les taxes gouvernementales auraient même un impact plus important sur les populations pauvres, qui sont frappées quatre fois plus durement que les riches.

« En France aussi, l’effet pervers de la hausse constante des taxes sur le tabac est clairement perceptible. Le prix moyen d’un paquet est passé de 2,36 à 7 euros entre 1996 et 2015, soit presque le triple en moins de 20 ans selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies. Si les ventes légales de tabac en France ont chuté de 95,1 à 56,3 milliards d’unités sur la même période, c’est sans compter sur le trafic avec les pays voisins comme la Belgique, le Luxembourg, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et l’Andorre, où le prix du paquet est jusqu’à deux fois moins cher.

« La France est le pays d’Europe où le commerce illégal de cigarettes est le plus élevé avec plus d’un quart de la consommation provenant du marché parallèle en 2014. À la frontière belge, certains gérants de bureaux de tabac affirment ainsi avoir plus de 90 % de clientèle française, comme à Menin, petite ville belge de 30 000 habitants, qui compte une quarantaine de bureaux de tabac rien que sur son territoire. Si le paquet de cigarettes passait à 10 euros en France, il serait plus rentable de parcourir jusqu’à 400 km pour aller acheter deux cartouches de cigarettes en Andorre, d’après des données de l’INSEE (voir Lmdt du 16 mars 2016).

« Au-delà des pertes de revenus considérables pour l’État en recettes fiscale, l’essor du marché parallèle nuit aussi et surtout aux quelque 26 000 buralistes français, qui représentent près de 100 000 emplois. Rien qu’en 2014, 1 041 d’entre eux ont fermé boutique sur le territoire français ».