Trois questions écrites ont été déposées sur le bureau de l’Assemblée nationale ces dernières semaines interpellant le ministre chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, sur l’augmentation de la fiscalité des produits du tabac.
•• Joël Giraud (Renaissance, Hautes-Alpes) alerte sur les chiffres actuels révèlant que les recettes de l’État ont déjà subi une perte de 210 millions d’euros par rapport à 2022.
Plus alarmant encore, en tenant compte de la TVA sur le tabac, cette perte s’élève à 260 millions d’euros sur la période considérée : « si l’on projette ces données pour l’ensemble de l’année 2023, l’État pourrait donc essuyer des pertes comprises entre 250 et 280 millions d’euros, voire entre 300 et 350 millions d’euros sur l’année entière, en incluant la TVA ».
Cela conduit à s’interroger sur la stratégie déployée par la Direction de la Sécurité sociale, poursuit-il. Et ce d’autant plus que, malgré les augmentations de fiscalité constantes et régulières, le résultat escompté en matière de réduction du nombre de fumeurs « ne semble pas au rendez-vous » (31,9 % en 2017 contre 31,8 % en 2022, selon Santé publique France).
Dans le même temps, cette stratégie a contribué à l’essor du marché parallèle des produits du tabac avec une augmentation de 61 % de la contrefaçon entre 2017 et 2022. Il demande au Ministre quelles dispositions le Gouvernement entend mettre en œuvre, qui prendront en compte la réalité du marché parallèle et des pertes fiscales pour l’État.
•• Patrick Hetzel (Les Républicains / Bas-Rhin) souhaite savoir pourquoi le Gouvernement augmente le prix du tabac alors qu’il avait promis le contraire il y a quelques semaines.
Si l’argument généralement avancé est de dire que l’augmentation du prix du tabac ferait baisser la consommation, les chiffres de la consommation de tabac, publiés par Santé publique France, montrent une grande stabilité depuis plusieurs années : « s’ils consomment toujours autant tout en achetant moins aux buralistes c’est parce qu’ils se tournent vers le tabac importé – légalement ou non » souligne le député.
« De toute évidence, la fiscalité voulue par le Gouvernement ne fait ni baisser la consommation ni entrer plus d’argent dans les caisses de l’État puisque, dans les faits, cette politique renforce surtout le marché parallèle. Lors de l’élaboration du Projet de Loi de Finances pour 2023, Bercy misait sur 600 millions d’euros supplémentaires dans les caisses de l’État ». Il souhaite donc connaître les mesures que le Gouvernement compte mettre en œuvre pour enfin lutter efficacement contre le marché parallèle car son développement nuit à la fois aux rentrées fiscales et aux buralistes qui sont les premières victimes de ces décisions de politique publique très discutables.
•• Philippe Lottiaux (Rassemblement National / Var) s’inquiète de « l’efficacité pour le moins discutable de la politique visant à lutter contre le tabagisme par la hausse des taxes diverses sur les produits du tabac ».
Le Gouvernement souhaite en effet continuer à augmenter le prix du paquet de cigarettes par les droits d’accise pour lui faire atteindre 13 euros en 2026, contre 11,14 en moyenne en 2023 et 8 euros en 2018 … pourtant « on ne peut que constater l’impasse de la politique d’augmentation continue des taxes ».
En effet, l’augmentation continue de la fiscalité « n’a désormais pour seule conséquence que le développement très important des trafics et des marchés parallèles avec un accroissement de la criminalité en ce domaine (…) En revanche, la hausse des prix pénalise fortement les buralistes français, déjà en difficulté alors qu’ils jouent un rôle social de premier plan en zone rurale, au profit soit des trafics, soit des buralistes étrangers, en particulier dans les départements frontaliers » Cela se traduit, in fine, par des pertes de recettes fiscales pour l’État.
Il demande donc si le Gouvernement est prêt à faire évoluer la trajectoire fiscale actuelle qui ne semble plus adaptée aux enjeux et aux nouvelles formes de consommation du tabac.