« Quand j’ai vu le tabac prendre feu, j’ai compris que c’était la fin » : pour les buralistes vandalisés lors des nuits d’émeutes en Ile-de-France, les dégâts sont « énormes », ce qui pousse certains à considérer la fin de leur activité.
C’est ainsi que débute une dépêche AFP, signée Emma Lacoste, que nous reprenons.
•• « Ils ont pris toute ma vie, maintenant je n’ai plus rien », avoue Joseph Guret, la voix tremblante, en entrant dans le bar-tabac Les Fauvettes dont il est le responsable. Dans une petite place de Neuilly-sur-Marne (à l’est de Paris), son établissement « convivial » a été attaqué dans la nuit de jeudi à vendredi par « une dizaine de personnes qui ont vidé tout ce qu’ils pouvaient vider ».
« Ils ont ensuite tout cramé », lance le gérant de 30 ans à l’AFP, avançant dans la pénombre du tabac, coupé de l’électricité, à l’aide de la lumière de son téléphone. « Je ne sais même pas pourquoi ils ont fait ça, ils ont brûlé leur propre quartier », dénonce-t-il, désabusé, esquivant les chaises calcinées, « maintenant il faut faire dix minutes de route pour avoir des cigarettes! »
Lors de l’achat du bureau de tabac en février 2020, le gérant avait déjà investi près de 200 000 euros pour remettre à neuf l’établissement. « Mon père avait un magasin d’alimentation juste en face, c’était un rêve de pouvoir me le payer, maintenant tout a disparu », confie-t-il.
Avec l’arrivée du Covid « seulement un mois après », le gérant avait déjà des difficultés, alors « aujourd’hui, je ne peux plus me permettre de perdre de l’argent pour le remettre en état ». « Même si je le récupère et même avec l’argent de l’assurance, je préfère couper, penser à autre chose et changer de métier », conclut-il accoudé au comptoir couvert de suie.
•• À Stains (nord de Paris), Philippe Yu a lui aussi découvert samedi matin son tabac, le Pomelo, vandalisé pendant la nuit. Il décrit les vitrines brisées, les étagères renversées et des paquets de tabac dispersés au sol : « ma boutique est entièrement détruite, ils ont tout retourné… du sol au plafond » , résume le gérant de 28 ans, encore sonné.
Situé dans la galerie du centre commercial du Carrefour de Stains, qui a pu rouvrir ses portes lundi, le Pomelo, lui, « n’est pas sûr de rouvrir un jour », avoue le gérant.
« Pour la première fois », il pense à complètement arrêter son activité car « le coût financier des dégâts est trop énorme », décrit-il. « Je ne sais pas quoi faire, je n’ai aucune perspective, pour l’instant je me pose beaucoup de questions », poursuit-il.
Malgré les contacts récurrents avec l’assurance « complètement débordée », le propriétaire a l’impression de ne plus être en sécurité, « nous ne sommes pas protégés. Nous sommes à la merci des délinquants et nous sommes très souvent pris pour cible », précise-t-il.
De retour dans son bureau de tabac lundi, le propriétaire a pourtant été touché par les petits mots et les gestes de ses clients, venus le réconforter. « C’est vraiment un métier qui me plaît beaucoup et je l’exerce depuis huit ans. J’aime beaucoup le contact avec les gens, mais aujourd’hui, je ne sais plus », conclut-il.