Depuis le 1er janvier, l’écart de prix du paquet de cigarettes avec la métropole s’est réduit à 5 %, et il devrait disparaître en 2026. Au grand dam des buralistes insulaires, qui réclament un moratoire (voir 5 janvier 2025 et 31 décembre 2024). Décryptage des Échos, signé Jean-Toussaint Legato (correspondant en Corse).
La nouvelle n’est pas passée inaperçue auprès des fumeurs de Corse. Depuis le 1er janvier, le prix du paquet de cigarettes le plus vendu a connu une hausse de 1,10 euro, passant de 11,30 euros en 2024 à 12,40 euros aujourd’hui. Cette augmentation porte désormais le tarif à 95 % de celui pratiqué en métropole, avec un alignement total attendu l’an prochain, en 2026.
Pour les 208 buralistes de l’île de Beauté, la pilule a du mal à passer. « En Corse, nous subissons une triple peine : l’inflation générale, la baisse continue de nos commissions et le rattrapage sur les prix des cigarettes initié en 2022 », déplore José Oliva, président des buralistes corses.
•• Le rattrapage évoqué est le fruit d’une mesure gouvernementale adoptée en 2020. Il vise à réduire de 5 % par an l’écart entre les prix pratiqués en Corse et dans l’Hexagone. Depuis 1811, un décret napoléonien permettait à l’île de bénéficier d’une niche fiscale accordant une réduction de 25 % du prix du tabac.
La suppression progressive de cette exception corse inquiète les professionnels du secteur, qui demandent un moratoire pour échapper à la dernière marche. « En 2018, lors d’un entretien au ministère des Comptes publics, on nous avait assuré qu’un différentiel de 5 % serait maintenu pour prendre en compte les spécificités de l’île. Cette promesse doit être respectée, car notre situation devient critique », insiste José Oliva.
Si l’on en croit le représentant de cette filière à l’origine de 800 emplois en Corse, sa pérennité semble de plus en plus compromise, malgré une diversification de l’offre entreprise dès 2017 grâce au fonds de soutien national déployé par l’État. « Durant la dernière saison estivale, notre secteur a enregistré une chute de 20 % de chiffre d’affaires. En deux ans, 7 tabacs ont fermé », rapporte le président du syndicat.
Ce dernier pointe également du doigt l’émergence d’un « marché parallèle ». Depuis quelques années, des cigarettes italiennes et roumaines seraient illégalement vendues sur l’île, à des prix jusqu’à 70 % des tarifs officiels. « Cette concurrence déloyale nous fragilise davantage. Une harmonisation des prix au niveau européen est indispensable pour pouvoir endiguer ce phénomène », affirme-t-il.
•• Les professionnels du secteur dénoncent aussi un manque de soutien des élus insulaires. « Nous nous sentons complètement abandonnés », regrette José Oliva. Il faut dire que si l’industrie du tabac s’impose comme un enjeu majeur de santé publique en France, un autre élément est à prendre en compte en Corse et il revêt une dimension purement économique. Contrairement à l’Hexagone, où les recettes fiscales liées à la consommation de tabac sont principalement affectées aux organismes de la Sécurité sociale, sur l’île, ces revenus bénéficient directement à la collectivité de Corse.
En 2023, l’institution publique a ainsi encaissé 156 millions d’euros, représentant 17 % de son budget annuel. « Ce qui montre l’importance de notre profession dans l’économie régionale », tranche José Oliva.