Le 14 janvier 2015, soit une semaine après l’attentat à la rédaction de Charlie Hebdo, le journal sortait un nouveau numéro. Le 1 178ème, baptisé « numéro des survivants ».
Alors que l’émotion était encore très forte et que les marches en hommage à Charlie se poursuivaient, les Français s’étaient rués chez leurs marchands de journaux pour acheter cette édition très symbolique (deux millions de numéros écoulés en deux jours contre 30 000 exemplaires par semaine habituellement). Souvenirs de buralistes (voir 7 janvier)
•• À Bourgoin-Jallieu, Céline Tchidenians se souvient, avec Le Dauphiné Libéré, de « la file d’attente dès 5 heures 30 du matin. Mais on avait peu d’exemplaires, ça arrivait au compte-gouttes ».
Xavier Albert, buraliste à Ampuis (près de Vienne), s’en rappelle aussi comme si c’était hier : « On en avait entre 5 et 10 à vendre chaque semaine. Jusque-là, on en vendait deux maximum. Mais quand il y a eu l’attentat, ça a été de la folie.
« Tout le monde voulait un Charlie. Il y avait la queue dans la rue. Comme on ne savait pas si on en recevrait d’autres, on les avait gardés pour nos acheteurs habituels et pour les lecteurs de ce type de presse. Après on a eu d’autres exemplaires, mais pas pour tout le monde. Je me suis fait engueuler à cause de ça à l’époque. J’avais fait des affiches avec la typographie de « Je suis Charlie » pour mettre sur la vitrine, soit « J’ai du Charlie » soit « J’ai plus de Charlie », se rappelle le commerçant (photo).
L’engouement a duré environ un mois. Les buralistes ont continué à recevoir des exemplaires (entre 5 et 20 par jour selon les endroits). Après « ça s’est essoufflé », se souvient Xavier Albert. « Les gens étaient à fond sur le moment mais ils ont vite oublié », renchérit Céline Tchidenian. Et aujourd’hui ? « Je n’en vends plus qu’un très occasionnellement », conclut le buraliste d’Ampuis.
•• Le « numéro des survivants » s’était ainsi vendu à 11000 exemplaires en Sarthe et dans le Maine-et-Loire, selon les Messageries mancelles de presse qui distribuent les quotidiens et les hebdomadaires dans les deux départements, selon France Bleu. « Ç’avait été de la folie » se souvient Jeannick Lelong, à la tête d’un bar-tabac-presse au Mans dans le quartier des Maillets et ancienne présidente de la profession dans le département.
« À l’époque, tout le monde voulait son Charlie Hebdo. Les gens avaient été choqués par ce qu’il s’était passé et ils avaient voulu se montrer solidaires. On n’arrivait pas à répondre à la demande, pas assez de journaux ». Mais ça n’a pas duré. « L’effet s’est estompé au bout de trois mois. On est vite revenu au niveau d’avant ». Les ventes se sont stabilisées, soit deux à trois exemplaires par semaine chez la buraliste des Maillets.
L’engouement revient pour le numéro des dix ans. Tiré à 300 000 exemplaires, Jeannick en a reçu dix et elle prévoit déjà d’en recommander. « Il sera en vente pendant un mois. On l’a bien mis en évidence et on voit bien que les souvenirs des gens remontent ».