Une fenêtre sur l’actualité quotidienne de tous les événements liés directement ou indirectement au tabac
24 Avr 2022 | Trafic
 

Les faits relatés ci-dessous sont à peine croyables.

Alors que la contrefaçon de cigarettes se développe en Europe avec des usines clandestines un peu partout (voir 26 janvier), on peut se permettre de transporter 18 tonnes de tabac brut non-transformé (en l’absence du moindre justificatif) à la frontière franco-espagnole sans que la justice s’en émeuve outre-mesure.

Raison invoquée : ce n’est pas (encore) du tabac transformé.

•• Ce vendredi 22 avril, au tribunal correctionnel de Perpignan, un Espagnol de 52 ans était présenté en comparution immédiate, soupçonné d’avoir importé du tabac de contrebande, en bande organisée.

Les faits : le 21 mars dernier, les douaniers avaient intercepté un camion espagnol au Boulou (sur la route de l’Espagne, au sud de Perpignan). La remorque vide, le chauffeur avait expliqué aller chercher des tomates près de Perpignan, pour les livrer en Belgique. Mais quelques heures plus tard …les douaniers retrouvent le même routier, cette fois dans le sens France-Espagne.

Intrigués de le revoir si rapidement, les agents ont fait appel immédiatement au chien pisteur de stupéfiants, sans succès. C’est celui spécialisé dans le tabac qui a « marqué »: la remorque contenait en fait … 18 tonnes de tabac non manufacturé. La nuance (« tabac non-manufacturé ») est importante dans cette affaire et a occupé les débats devant le tribunal.

•• À la barre, le chauffeur routier a expliqué avoir chargé le tabac à Perpignan. Il devait l’acheminer … en Belgique. Mais pour expliquer son détour par l’Espagne, il a raconté qu’il venait récupérer une amie à La Jonquera : « je ne voulais pas que mon employeur ou ma femme ne le sache, donc j’ai fait un faux bon de commande pour justifier ma présence. Je n’aurais pas dû …»  dit-il au tribunal.

Cependant les vrais documents ne justifient pas plus le transport, a souligné de son côté la représentante des Douanes: « Il s’agit donc de contrebande de tabac, d’origine indéterminée » et elle a donc demandé une amende douanière de 58 000 euros, correspondant au tarif du ministère de l’Agriculture pour du tabac non manufacturé.

•• Il se trouve que le chauffeur routier était déjà défavorablement connu des forces de l’ordre en Espagne et en Italie : il a déjà été condamné à 3 ans de prison pour le transport de 300 kilos de résine de cannabis, puis à 5 mois pour 1 200 kilos ou encore 2 ans pour 250 kilos … Un palmarès qui, en plus des faux documents présentés à la Douane, a poussé la Procureure de la République à demander une peine d’un an de prison assorti du maintien en détention.

Mais pour l’avocat de la Défense, la nature de la marchandise ne peut permettre de condamner le prévenu : « il n’y a rien en matière pénale qui concerne le tabac non manufacturé. Dans le Code de la Douane, on ne parle que de produits manufacturés. Compte tenu du vide juridique en la matière, je demande la relaxe ».

Résultat : le Tribunal correctionnel de Perpignan a estimé que le tabac saisi ne faisait pas partie des produits devant circuler dans un cadre réglementaire … Il a toutefois condamné le prévenu à une amende contraventionnelle de 1 000 euros, le prévenu ne pouvant pas justifier de la provenance de la marchandise. Avant de repartir libre.