Forcés de se diversifier face à l’inexorable baisse de leurs revenus sur fond de recul du tabagisme, les buralistes espèrent pouvoir bientôt vendre du CBD, substance tirée du cannabis, et trépignent face aux hésitations du gouvernement annonce l’AFP, dans une dépêche signé Rebecca Fresquet.
Absent des thèmes officiels de débat à la tribune, le CBD, extrait du chanvre – une sous-espèce du cannabis qui ne contient quasiment pas de THC aux effets psychotropes -, n’en a pas moins plané sur les deux jours de congrès qui a réuni quelque 550 buralistes, jeudi et vendredi à Paris, consacré à la transformation du métier de buraliste, qui vivent du monopole de la vente du tabac (voir 14 et 15 octobre).
•• « Nos métiers historiques d’ADN, baissent, quoi qu’on pense d’un monde avec ou sans tabac », a souligné Philippe Coy, président de la Confédération des buralistes, réélu la veille.
« Fiers d’avoir été reconnus comme essentiels », affirme M. Coy, en restant ouverts pendant la crise du Covid-19, les quelque 24 000 buralistes de l’Hexagone réalisent 40 milliards d’euros de ventes par an, dont 21,8 milliards d’euros tirés des produits du tabac sur lesquels ils perçoivent une commission de 8,1 %.
Mais ces commerçants vivent aussi d’une myriade d’autres services : vente de jeux de la Française des jeux (10,7 milliards d’euros par an) et prises de paris du PMU (3 milliards), bar et restaurant (1,8 milliard), vente de journaux (1 milliard), snacking (700 millions) produits du vapotage (220 millions), ou encore encaissement de taxes, gestion de comptes bancaires nickel et de colis postaux.
•• Aujourd’hui, ils espèrent capter le marché prometteur du CBD, vendu dans des boutiques qui vantent ses mérites supposés en matière de bien-être: réduction de l’anxiété, aide au sommeil, lutte contre la douleur … Très méfiantes vis-à-vis de ce produit, les autorités françaises ont ces dernières années fait fermer des dizaines de boutiques, mais ces décisions se heurtent en justice à la règlementation européenne, qui l’autorise.
Un arrêté doit dans les semaines à venir, clarifier la situation en interdisant la vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes, notamment comme produits à fumer, tout en permettant d’étendre la culture et l’utilisation industrielle et commerciale du chanvre (voir 22 juillet).
•• « Ce dossier nous mine le moral », a affirmé jeudi au congrès M. Coy, devant la directrice générale des Douanes Isabelle Braun-Lemaire.
« Ça n’est pas une situation confortable pour vous, mais le sujet est compliqué, il implique non seulement les Douanes mais aussi le ministère de la Santé », a-t-elle réagi. L’arrêté à venir, qui révise un texte de 1990, a été présenté à la Commission européenne, a rappelé Mme Braun-Lemaire.
Il fait suite à un arrêt de la Cour de justice de l’UE en novembre 2020, qui a rejeté l’interdiction du CBD en France et stipule « qu’en l’état des connaissances aujourd’hui, ça n’est pas un stupéfiant, ce qui a créé le trouble et que ce produit doit être commercialisé sinon c’est une entrave à la circulation » des produits, a résumé la patronne des Douanes.
La « réglementation va s’appliquer, une campagne de communication a débuté (…) et des contrôles seront conduits, pas par la Douane parce que ce ne sont pas des stupéfiants », a-t-elle détaillé.
•• Face à « ce trouble juridique », la Confédération des buralistes a choisi « par prudence, de ne pas commercialiser ce produit », a rappelé M. Coy, une position légaliste qui n’est pas allée sans heurter ses adhérents, irrités de la concurrence des boutiques.
Il en existerait « plus de 400 » dans l’Hexagone, selon les organisateurs du tout premier « salon du CBD » programmé samedi et dimanche au Paris Event center.
« Certains pays européens, et peut-être la France demain, légaliseront le cannabis: est-ce que vous allez subir cela ? Non, et vous avez raison (…) pour un certain type de cannabis, il faudra exiger que ce soit vendu par les buralistes », pour veiller à « la santé et à la sécurité des jeunes Français », a déclaré le député européen Younous Omarjee.