Dans une tribune postée sur le Huffington Post du mercredi 2 mars, Jean-Pierre Couteron (président de la Fédération Addictologie) et Patrick Favrel (référent Réduction des risques à SOS hépatites) apportent un éclairage sur le « oui, mais non » de l’avis du Haut Conseil de la santé publique sur la cigarette électronique (voir Lmdt des 24 et 26 février). Après avoir regretté qu’un pas de plus ne soit pas franchi pour la reconnaître comme « un véritable outil d’auto-support de réduction des risques ».
• Saisi conjointement par la Direction générale de la Santé et la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), l’HSCP devait réévaluer les deux questions suivantes :
. la cigarette électronique est-elle un outil d’aide au sevrage tabagique ? La cigarette électronique est-elle un outil de réduction des risques du tabac ?
. la cigarette électronique peut-elle constituer une porte d’entrée dans le tabagisme ? La cigarette électronique peut-elle favoriser une renormalisation de la consommation de tabac ?
« Du même coup, les recommandations du HCSP sont quasi exclusivement de précaution, tant les deux questions peuvent sembler contradictoires » estiment les spécialistes. « Maintenir des modalités d’interdictions de vente et de publicité prévues par la loi, étendre l’interdiction d’utilisation à tous les lieux affectés à un usage collectif. Eviter que l’e-cigarette ne soit utilisée par l’usager, et encore plus par l’industriel, pour revenir vers le tabac, notamment alors que des grands cigarettiers accélèrent leurs investissements s’affiche comme la préoccupation principale. Il est logique de s’interroger sur ces recommandations, au vu de la capacité de nos représentants à céder aux lobbyings comme l’ont montré les récents débats sur la loi Evin. Mais il est dommage de n’avoir pas formulé des recommandations plus favorables à un usage positif du vapotage.
« Ce manque d’un clair soutien à la fonction d’auto-support a participé à une lecture plus ou moins discutée de l’avis : pour certains, pas nombreux, cet avis est favorable à la cigarette électronique comme aide (…) Pour d’autres, abonnés du drame à forte audience, ce sont bien sûr les interdictions qui l’emportent : le HCSP veut interdire le vapotage dans les cafés et les restaurants et ne soutient pas la piste e-cig. Souligons tout de même à ces chercheurs de buzz que l’avis du HCSP ne vaut pas force de loi.
• « Dommage pour le vapotage qui continue de mériter mieux …
« Cette dimension d’auto-support (permettant au fumeur, à son rythme et selon ses souhaits, de réduire voire de stopper sa consommation de tabac) reste la plus difficiles à percevoir et à concevoir par les professionnels, et c’est d’autant plus regrettable qu’elle est l’une des étapes de la construction de la motivation (…)
« A ce titre, et comme tous ces outils inventés par des usagers, à distance des logiques et recherches officielles, la cigarette électronique bouscule les postures et habitudes du monde médical, addictologique et de la Santé Publique (…)
« Voie autonome, celle du plaisir et de la substitution, elle s’éloigne et peut éloigner du sevrage, principe essentiel de la tabacologie, et évoque le risque de rendre à nouveau « attractif » ce que les professionnels combattent : le fait de fumer. Justement parce qu’elle est moins complexe, plus proche du mode d’usage, moins en rupture, parce qu’elle ne fonctionne pas, ou pas suffisamment, comme épreuve (…)
« Le HCSP n’a pas fermé la voie du vapotage, mais il n’a pas voulu en faciliter l’accès. Essayons alors de continuer faire converger celles et ceux qui le souhaitent vers cet éloignement du tabac qui reste l’essentiel ».