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29 Mai 2022 | Observatoire
 

Autorisé en France depuis peu (voir 25 et 1er janvier), le CBD séduit de plus en plus de consommateurs. Un chroniqueur de Marianne, Jérémie Peltier (directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès et auteur de « La fête est finie ? ») réfléchit au sens de ce succès.

Le week-end dernier, pendant la prolongation de Kylian Mbappé se tenait un autre événement tout aussi euphorisant où se sont rendus tous les babas aux cheveux longs et tout ce que le pays compte d’angoissés et de stressés : le premier salon du CBD, qui avait lieu au salon de la Porte de Versailles à Paris. 

•• (…) si vous sortez un peu de chez vous, il est impossible d’avoir échappé au pullulement des enseignes de CBD dans les rues, au même titre qu’il est devenu impossible d’échapper aux enseignes de tatoueurs et de vendeurs de clopes électroniques. La France compte en effet 1 800 magasins spécialisés dans le CBD , alors qu’il n’y en avait que 400 au début de l’année 2021

Alors on est encore loin des 10 000 kebabs, certes. On reste loin des bureaux de tabac (23 500 points de vente sur tout le territoire). Mais 1 800 magasins de CBD, c’est plus par exemple que le nombre de boîtes de nuit en France (environ 1 600, contre 4 000 il y a quarante ans). Développement foudroyant en deux ans donc pour des enseignes qui vendent des fleurs, des tisanes, des bonbons, des huiles, des feuilles à rouler et du CBD à fumer.

•• Comment expliquer ce phénomène ? Comment comprendre que les enseignes de CBD fassent désormais partie du paysage de notre vieux pays, au point que les bureaux de tabac (qui disparaîtront un jour comme les stations essence) s’y intéressent grandement car ils savent que la vente du CBD leur permettra à terme de compenser leurs pertes face à la baisse de consommation du tabac qui va s’accentuer dans la civilisation des vapoteurs ?

D’abord, l’attrait pour le CBD c’est l’attrait pour quelque chose qui a l’air d’être authentique sans l’être. C’est l’attrait pour la copie d’un vrai joint de cannabis, le goût de faire « comme si c’était vrai ». On s’encanaille à jouer au Hippy sans les effets indésirables. Le CBD fumé a en effet le goût et l’odeur du joint, mais sans les effets psychotropes. Les fleurs de CBD et les fleurs de cannabis sont similaires. C’est une sorte de bière sans alcool, de Coca sans sucre, des chips sans sel. 

S’il y a des consommateurs donc, c’est que l’époque aime faire semblant. On va dans des fausses brasseries traditionnelles comme si elles étaient d’époque, on s’habille avec des vêtements comme s’ils étaient d’époque. 

D’ailleurs, c’est intéressant : l’une des motivations du gouvernement avec l’interdiction du CBD était liée à cette ressemblance entre l’original et la copie car cela complexifie grandement le travail des forces de l’ordre, qui doivent distinguer CBD et cannabis lors des contrôles.

•• D’autre part, les nombreux consommateurs de CBD sont aussi le signe d’une société stressée et tendue, qui cherche en permanence les moyens de se relaxer et de lutter contre son angoisse de ne rien faire.

On insiste beaucoup en effet sur les vertus relaxantes du CBD, sur le fait que le CBD permet de lutter contre l’anxiété et les troubles du sommeil. S’il y a des consommateurs, c’est donc qu’il y a une demande pour résoudre les problèmes d’anxiété et de stress qui semblent bien trop élevés dans une époque désormais incapable de résister à un minimum de pression mentale. Pour soigner un mental trop chargé, on se charge la gorge, les narines et les poumons de CBD.

Ainsi, alors que nous sommes actuellement en pleine période d’examens dans les collèges et lycées, un certain nombre de professeurs et de médecins scolaires font état de la multiplication d’élèves en pleurs, terrorisés à l’idée d’être en confrontation avec d’autres élèves, d’autres professeurs, et angoissés à l’idée de passer ce petit rite de passage qu’est l’évaluation scolaire. Ce phénomène, de plus en plus présent depuis la crise sanitaire, laisse à penser que nous serions face à une petite montée d’agoraphobie chez nos jeunes bébés désireux de faire l’école à la maison.

•• Ce constat étant fait, et les enseignes de CBD étant là, le temps est donc venu de faire une première proposition innovante et originale à l’attention de notre nouveau ministre de l’Éducation nationale : afin d’apaiser les écoliers et de remplir les salles à la rentrée, des petits déjeuners gratuits à base de tisane de CBD pourraient être servis chaque matin aux élèves afin qu’ils se détendent et qu’ils oublient le temps d’une infusion que l’école ressemble à la guerre. 

D’ailleurs, avec un peu de chance, quelques professeurs en consommeront en même temps. Ça ne fera pas augmenter le niveau certes, mais ça fera baisser la pression et les futures manifestations.