Coincés entre la politique de santé publique, la mutation des produits et une explosion des taxes sur le tabac, les buralistes sont en première ligne face aux consommateurs. Et l’alternative électronique résout autant de problèmes qu’elle en pose … Comment s’adaptent-ils en Haute-Vienne ? Une enquête du Populaire du Centre.
•• « On est arrivé au moment où le monde du tabac a complètement basculé. Globalement, le volume a nettement baissé ! Je commande toujours pour le même montant, mais il y en a toujours moins sur la palette … » constate un buraliste installé à Limoges depuis 10 ans.
« Nos fournisseurs font évoluer leur gamme et baissent les grammages pour contenir les prix affichés, notamment sur le tabac à rouler. Une autre feinte consiste à proposer du tabac à pipe, coupé plus grossièrement, qui peut se fumer roulé en cigarettes. Et comme ce tabac à pipe est moins taxé, il est moins cher » (…) « Toutes ces taxes, c’est un enfer … » soupire-t-il. « Nous, on ne vit que de centimes, les gens oublient ça ! ».
•• Pour la patronne d’un bar-tabac à Javerdat (690 habitants, 30 kilomètres de Limoges), « le métier a bien changé … C’est fini la personne qui venait acheter son paquet de clopes, restait discuter et boire un coup. Les interdictions, le paquet standardisé, le covid, etc. Tout ça a fait beaucoup de mal. Sans oublier le marché noir, qui s’est beaucoup développé dans nos campagnes pendant la crise sanitaire. »
•• Un confrère, qui a repris en juillet dernier un bar-tabac à Limoges où il était déjà salarié et qui fut longtemps le premier du département, reste un gros vendeur, même si le volume baisse. « La dernière hausse du prix, à 11euros en moyenne le paquet, a provoqué une nouvelle chute des ventes de cigarettes. On voit de plus en plus de clients qui combinent les cigarettes et les cigarettes électroniques. Leur but est simple : réduire les coûts et la dépendance, voire arrêter pour certains. »
Concernant les mineurs, il indique se fier « à l’âge visible des clients » et « n’hésite pas à demander la carte d’identité en cas de doute ». Il confie être personnellement sensible à la question : « mon petit frère est sujet à une addiction à la cigarette électronique. Et je suis très vigilant vis-à-vis des jeunes, surtout concernant les produits qui leur sont destinés avec des designs sympas et des goûts étudiés pour eux … »
Les puffs, cristallisent les débats : « l’État a réagi trop lentement pour encadrer les pratiques. Au final, je suis sûr que ces puffs seront interdites d’ici à la fin de l’année. »
•• « Le chiffre d’affaires tabac baisse », constate Valérie Marsalaud, présidente de la fédération des buralistes de la Haute-Vienne, (photo) « c’est surtout lié au coût de la vie et ce problème de budget pousse les clients vers le marché parallèle. J’étais au congrès national des buralistes et le ministre des Comptes publics y a assuré qu’il renforcerait la lutte contre les trafics » (voir 20 octobre). Ce dernier a ajouté que « l’État accompagnera la profession et soutiendra la transformation du réseau des buralistes sur une durée de cinq ans ».
La représentante des buralistes souligne qu’« on cherche constamment à se diversifier. Maintenant, on fait de la banque, des jeux, des billets de train, des services de livraison et d’envoi de colis, etc. Avec notre amplitude horaire, on est souvent le dernier commerce du bourg. Le métier de buraliste va continuer, mais différemment. » (Voir aussi 6 mars 2021, 20 août 2019). Photo : Populaire du Centre