Pour Hervé Garnier, président des buralistes en Meurthe-et-Moselle (et administrateur de la Confédération), la politique d’augmentation continue des prix du tabac favorise le marché de contrebande (voir 4 janvier). Un phénomène qui frappe le département, notamment la rue Saint-Nicolas à Nancy.
Un père et ses deux fils – aux commandes d’un tabac-presse – font face, au quotidien, à cette « concurrence déloyale ». Témoignages recueillis par L’Est Républicain.
•• « Tous les jours, des types vendent des paquets dans la rue, sous nos yeux » raconte le fils aîné, « Ils vendent le paquet de Malboro à 7 euros, alors que chez nous, c’est passé à 12,50 euros depuis le 1er janvier. »
Adossés à un panneau de signalisation, attablés à la terrasse d’un café, ces individus n’hésitent pas à aborder les passants pour refourguer leur nicotine clandestine. Les paquets vendus à la sauvette viennent « des pays du Maghreb, mais surtout du Luxembourg » assure le jeune homme. « Ils se font une marge de deux ou trois euros, alors que nous, on gagne environ 1 euro par paquet. »
Dans ce quartier du centre-ville, le phénomène prend de l’ampleur depuis la sortie de la crise Covid, avec la réouverture des frontières. « Avant la pandémie, il y avait deux ou trois vendeurs rue Saint-Nicolas. Maintenant, c’est dix ou quinze. Quand il y en a un qui arrête, deux le remplacent » poursuit-il.
•• Les buralistes redoutent le pire pour leur boutique : « En 2 ans, on a perdu 50 % de notre chiffre d’affaires sur le tabac » dévoile le père, « et à chaque hausse des prix, ça s’aggrave. Alors on essaie de se diversifier pour garder la tête hors de l’eau, mais c’est compliqué. » L’établissement propose notamment un service colis, des produits au CBD et fait office d’épicerie.
Mais leur commerce est « en péril », confient-ils, totalement impuissants. « Quand ils sont devant la porte du magasin, je les vire… Mais qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? », demande le patriarche. Et ses fils d’ajouter : « On n’est pas des justiciers… On bosse pour l’État, mais l’État ne fait rien pour nous. »
•• Malgré deux coups de fil à la police nationale en 2023, et une visite aux Douanes, « il ne se passe rien », déplorent-ils. Quant au commissariat de quartier, ouvert à l’été 2021 et tenu par la police municipale : « il ne sert à rien pour ce genre d’affaires ».
Contactée, la police répond : « on passe tout le temps rue Saint-Nicolas, de jour comme de nuit. Mais c’est compliqué, ces cas de vente de cigarettes à la sauvette, car il faut prendre les individus en flagrant délit. » Le tabac étant légal, au contraire du cannabis par exemple, les policiers doivent assister à la transaction pour interpeller un vendeur. « Et on n’a pas le droit de se faire passer pour un acheteur », rappelle le commissariat.