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8 Déc 2016 | Profession
 

La Cour d’Assises a retracé, ce jeudi 8 décembre, les jours qui ont précédé le meurtre du jeune cambrioleur, selon une dépêche AFP (voir Lmdt de ce jour et du 7 décembre). 

Quatre jours avant le drame, Luc Fournié, 58 ans, avait découvert que les barreaux de l’une des fenêtres de son bar-tabac de Lavaur (Tarn) avaient été sciés. Dès lors, la peur a enflé dans la petite famille qui vivait au-dessus de l’établissement, a raconté le buraliste qui comparaît en appel pour avoir tué un lycéen de 17 ans, Jonathan, qui était venu cambrioler son bar-tabac aux côtés d’Ugo, mineur lui aussi.

« Quelques mois auparavant, nous avions eu dans le bar la visite de gens un peu suspects », détaille M. Fournié, les mains serrées autour de la barre. Quand il a constaté que les barreaux avaient été sciés, « de suite, j’ai pensé à ce type de personnes », ajoute-t-il. Il appelle alors les gendarmes qui lui disent « on met votre établissement sous surveillance », résume-t-il, assurant que ces derniers lui avaient demandé de ne « toucher à rien » dans le but de surprendre un « flagrant délit », des propos nuancés la veille par les gendarmes eux-mêmes.

Au cours de ces quatre jours, M. Fournié était allé chercher le fusil de son père, des cartouches, et avait installé un système d’alarme de fortune : un fil de pêche tendu entre deux chaises. Il avait aussi décidé de dormir au rez-de-chaussée et « fait des rondes ».

« Les gendarmes nous ont dit hier soir (mercredi) que, matériellement, c’était impossible de mobiliser des gendarmes toutes les nuits », rappelle le président, Michel Huyette, qui a distribué au jury les articles du code pénal relatifs à la légitime défense.

« Vous avez un choix. Si vous scellez les barreaux, en 30 minutes, ça fait disparaître votre peur », souligne le président, qui demandera : « Pourquoi choisissez-vous de rester volontairement dans la peur ? ». « Je fais confiance à la gendarmerie », répète en écho M. Fournié. Ressouder les barreaux, « c’est ce que j’aurais dû faire, sincèrement », reconnaît-il.

« Vous avez parlé de votre fusil comme d’une « sécurité supplémentaire ». Quelles sont les autres ? », interroge à son tour Me Simon Cohen, avocat des parties civiles. « La gendarmerie », répète l’accusé. « Je parle des sécurités internes. En réalité, c’est la seule ! » lance-t-il, soulignant que l’alarme électronique de l’établissement, qui ne fonctionnait pas, n’avait pas été réparée.

« C’est vrai que ça interroge qu’un citoyen puisse écouter le gendarme ! » a répliqué Me Laurent Boguet, avocat de la défense. « On n’est pas porte béante, la grille était encore solide », ajoute-t-il, demandant à son client ce qu’il avait « imaginé » en se munissant d’une arme.

« On imagine le pire », a murmuré, ému, l’accusé. « Ça va très vite, et vous êtes emporté dans un monde différent, une échelle différente, des proportions qui ne sont peut-être pas réelles, suggérées par la peur ».

À la mi-journée, la défense soulève l’absence d’un témoin-clé, Ugo, le second cambrioleur mineur, entendu en première instance. « Ce procès ne peut pas continuer en l’absence de ce garçon », avait tonné Me Georges Catala, avocat de la défense, demandant le renvoi du procès s’il ne comparaissait pas.

À la barre, des proches de la famille de Jonathan, la victime, décrivent un « gamin vivant, pétillant, créatif », qui « n’était pas un délinquant » » et a « fait une grosse bêtise ». « Je n’ai pas cherché à en faire un ange, c’était un ado dans toute sa splendeur, qui était attiré par les interdits, la prise de risques », estime une amie de la famille.

Le jeune homme avait été embarqué dans l’équipée du cambriolage la veille du drame par son ami, qui avait scié les barreaux lui-même. Un autre ami de la famille s’avance, grand, en costume sombre, la voix posée, parfois vibrante. « Il a fauté, personne ne remet en cause cela. Il a fait une grosse bêtise, mais ce qui est dramatique c’est que la sanction de cette bêtise a été complètement disproportionnée. C’est ce qui nous bouleverse encore 7 ans après », rapporte l’AFP.