L’annonce fin 2022 par le géant Heineken de la fermeture prochaine de sa brasserie alsacienne de Schiltigheim (voir 27 décembre 2022), notamment à cause de la « hausse du coût des matières premières et de l’énergie », ne serait donc que l’arbre qui cache la forêt, s’inquiète Le Figaro.
Selon les Brasseurs de France, qui a sondé, fin avril, 60 de ses quelque 400 adhérents (des géants Carlsberg ou Heineken aux micros ou petits brasseurs français), une brasserie sur dix de l’Hexagone envisage actuellement une fermeture définitive cette année. Soit environ 250 fabricants de petites mousses qui craignent pour leur survie.
•• Bien qu’un peu surévalué selon le Syndicat national des Brasseries indépendantes (SNBI), ce chiffre laisse craindre une vague destructrice dans une France brassicole qui, avec près de 2 500 fabricants, avait connu une véritable renaissance depuis quinze ans.
Ces bouteilles colorées aux noms plus ou moins décalés (mais aussi les références « crafts » des mégabrasseurs), avaient relancé dans les années 2010 les rayons bière des grandes surfaces, et animé les comptoirs des bars ou des restaurants. Une véritable lame de fond qui avait redonné ses lettres de noblesse à la célèbre boisson houblonnée. Jusqu’à faire croître le marché français de la bière entre 2 % et 5 % par an depuis 2013.
•• La fermeture en 2020 des bars et des restaurants, qui pesaient souvent entre 60 % et 80 % de leurs débouchés, a changé la donne. Notamment en fragilisant les trésoreries de nombre de ces entrepreneurs qui venaient pour beaucoup d’entre elles de réinvestir dans leur outil de production. Les effets en chaîne de la guerre en Ukraine sont venus enfoncer le clou.
En mars, le Syndicat des Brasseurs indépendants, qui regroupe 850 de ces petites structures, avait déjà alerté sur ce sujet. Quand les factures d’énergie n’ont pas été multipliées par 4 ou 5, fin 2022, c’est en effet une nouvelle hausse du verre de 30 % début 2023 qui fait trembler le secteur. En moyenne, les coûts supportés par les acteurs restent actuellement gonflés de 10 % à 50 % par rapport à 2022, selon le syndicat du secteur. Soit loin des niveaux d’avant-crise.
Dans ce contexte, et alors que beaucoup ont déjà augmenté leurs prix pour absorber le choc, il reste très difficile de toucher aux étiquettes sans risquer de faire chuter les ventes. Sur les trois premiers mois de l’année, les volumes de bières vendues en France ont déjà décroché de 3 % à 5 %.
•• Dans ce marasme ambiant, les brasseurs entrevoient toutefois deux lueurs. D’abord, la pression récente mise par le gouvernement sur les industriels de l’alimentaire pour faire baisser leurs tarifs ne concernera pas les TPE et PME.
Surtout, malgré la flambée des coûts, l’engouement des Français pour des bières de qualité, locales et typées ne semble pas s’être éteint.