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26 Mar 2023 | International, Trafic
 

C’est un article très important que vient de consacrer le grand quotidien belge Le Soir (édition du 22 mars) au rôle fondamental que joue la Belgique dans le développement de la contrefaçon de cigarettes chez ses voisins, particulièrement en France. Avec des révélations.

En 2022, près de 350 millions de cigarettes ont été saisies et 4 usines de cigarettes de contrebande ont été démantelées en Belgique (voir 15 février 2023, 1er octobre et 14 septembre 2022).

Des millions de cigarettes de contrebande sont, chaque année, produites au sein dusines clandestines belges. En 2022, la douane en a démantelé quatre. C’est moins qu’en 2021, où les enquêteurs de l’Administration en ont fait fermer neuf. Pour autant, la Belgique occupe toujours une place centrale dans le trafic. 

•• Au total, 75 sites de production ont été démantelés en Europe en 2022, ressort-il de chiffres dont Le Soir a pu prendre connaissance en primeur.

Avec 32 usines fermées, la Pologne reste largement en tête du classement européen. Puis vient l’Espagne (7), suivie de la Belgique (4), ex aequo avec le Portugal et les Pays-Bas. (ndlr : on précisera que la France en a démantelé deux en 2022, voir 14 septembre 2022).

« Tout le monde pensait qu’avec laugmentation de la production illicite en Europe, la contrebande diminuait », commente Florence Angelici, porte-parole du SPF Finances. « Mais on constate que ce nest pas le cas. La quantité de cigarettes contrefaites qui viennent dAsie ou du Moyen-Orient augmente également. »

•• Près de 350 millions de cigarettes ont été saisies sur la même période. Une augmentation du phénomène est constatée dans la péninsule ibérique, mais il est encore trop tôt pour conclure à un changement de paradigme. De par sa position géographique, la Belgique occupe une place de choix pour les trafiquants. Et ce, plutôt comme « hub » logistique que pour écouler leur production. Les camions remplis de marchandises n’ont aucun mal à atteindre la France ou le Royaume-Uni.

Deux pays où les paquets de cigarettes s’échangent bien plus cher qu’en Belgique. « Le premier marché noir en Europe, cest la France », pointe ainsi un agent des douanes expert en la matière, qui préfère garder l’anonymat. En Belgique, 5 % des clopes fumées échapperaient aux accises, soit approximativement six fois moins que dans l’Hexagone.

•• De n’importe quelle marque, en n’importe quelle langue, les packagings qui sortent de ces entrepôts peuvent prendre toutes les apparences.

Les trafiquants vont d’ailleurs parfois jusqu’à reproduire le timbre de douane. « Ils veulent donner lidée que ça vient du marché légal », commente la porte-parole du SPF Finances. Le constat est sans appel pour l’expert anonyme : la fraude ne cesse d’augmenter ces dernières années. « La raison est simple », explique-t-il : « laugmentation des accises et du prix des cigarettes. Surtout dans les pays limitrophes. »

En Belgique, les usines qui fabriquent ces cigarettes de contrebande peuvent se trouver n’importe où. En campagne, en ville, dans un zoning, dans une ferme …

•• « Ce qu’on constate ces dernières années », note lexpert, « cest que la qualité de la production illicite a augmenté. Les contrefacteurs se sont professionnalisés. »

Les lieux sales ont laissé la place à des lieux de production à la pointe. Les investissements sont plus importants et le temps de préparation a augmenté. À tel point qu’il est parfois difficile pour les enquêteurs de faire la différence entre une usine illicite et une légitime.

« Auparavant, il en sortait peut-être un camion par semaine. Désormais, sil y a une équipe de jour et une équipe de nuit, ça peut être un camion par jour », constate l’expert.

Pour les débusquer, la coopération européenne est centrale. « On se connaît depuis des années », poursuit-il. « Ils nous informent quand ils ont des infos, et inversement ». Dans les autres cas, la chance joue également un rôle non négligeable. « Une personne qui tombe du toit, un incendie … », détaille la porte-parole du SPF Finances ( l’autorité régulatrice du tabac en Belgique ).

•• À chaque opération, la même rengaine : le nom dun seul et même pays ressort incessamment, la Pologne. « Presque toutes les organisations criminelles ont un lien avec la Pologne », commente Florence Angelici. Ainsi, dans chaque usine, « il y a toujours un ou deux Polonais qui tirent les ficelles : ce sont eux le « regional manager », les chefs d’équipe. »

Les groupes criminels fonctionnent à l’instar des multinationales, avec des managers régionaux qui dispatchent les activités et le matériel dans toute l’Europe. Quant à savoir qui sont ceux qui se retrouvent à la tête des réseaux, impossible.

Toutes les pistes convergent vers l’Est. Les parrains résideraient peut-être en Russie, en Transnistrie ou à Dubaï …