Emmanuel Macron enfile le costume du président proche des gens. Car il le sait : il traine une image désastreuse — froide, déconnectée, indifférente. Alors il tente de renouer. Depuis la gifle des Gilets jaunes, le lien avec les Français s’est rompu. Et maintenant que son pouvoir a été raboté par une dissolution ratée, le voilà qui essaie un reset politique. Trop tard ? Peut-être. Mais il s’y emploie. Faute d’incarner l’autorité, il joue la carte de la proximité.
C’est ainsi que débute une chronique de Jules Torres – diffusée sur CNews le 12 avril et parue sur Le Journal du Dimanche/ JDD.fr – que nous reprenons.
C’est dans cet esprit que, dans le très feutré salon des Ambassadeurs de l’Élysée, Emmanuel Macron a convié une quinzaine de maires. Pas les poids lourds des grandes métropoles, non. Ceux des villes moyennes ou petites, Bonifacio, Autun, Arras, Lourdes … (…) Des élus de terrain, sélectionnés comme pour cocher la case « France réelle ».
•• Même logique cette semaine dans les Deux-Sèvres. À Thouars, au 83 rue Jules Michelet, le chef de l’État a poussé la porte d’un bar baptisé Le Prem’s. Entrée en solo, poignée de mains aux clients, café pris à la volée. Une scène qui étonne, mais qui tend à devenir un rituel (voir 11 avril). Si vous nous écoutez ce matin depuis un PMU, un bar-tabac, gardez un œil sur la porte. Emmanuel Macron pourrait bien débarquer. Sans prévenir.
Officiellement, ces virées de bistrot servent à « prendre le pouls du pays », selon l’entourage présidentiel. Avant le Prem’s de Thouars, il y avait eu le bar des Quatre Fesses, en Haute-Marne (voir 19 mars) – oui, c’est bien son nom – où Emmanuel Macron avait d’ailleurs acheté un jeu de grattage. Février, Roulans, dans le Doubs. Janvier, Hirson, dans l’Aisne (voir aussi 6 mars).
À chaque fois, même mise en scène : le président débarque seul, sans conseiller, sans journaliste. Juste quelques officiers de sécurité. Il écoute, il questionne, il hoche la tête. Et la vérité sort de la bouche du patron de comptoir.
•• L’exercice a une vertu : casser l’image du président hors-sol, sourd aux colères. Et c’est vrai, sans vingt caméras accrochées à ses talonnettes, le moment paraît plus vrai. Mais justement, c’est là que le bât blesse.
Car cette mise en scène du naturel finit par sonner faux. Le président dans un bar-tabac, c’est une image forte, mais aussi un aveu embarrassant : Emmanuel Macron ne croise plus personne « pour de vrai ». Il faut scénariser la spontanéité, programmer l’imprévu.
Et surtout, qu’en retient l’opinion ? Quelques clichés flous pris à la volée sur des téléphones. Des images pas cadrées, pas officielles, qui circulent et donnent une illusion d’instantané. Mais même cela, les Français n’y croient plus vraiment. À force de vouloir éviter la mise en scène, le président a fini par la renforcer. Et les Français, eux, voient surtout un chef de l’État en campagne permanente, mais toujours loin de leurs réalités.
•• Contrairement aux déjeuners feutrés avec les élus locaux, dans un bar-PMU, le président est challengé. Il est contredit, parfois sèchement, mais les Français sont toujours polis.
Et pourtant : jamais Emmanuel Macron n’a été aussi impopulaire. Depuis huit ans, le fossé se creuse. Le président n’a pas fait grimper le pouvoir d’achat. Il n’a pas endigué l’immigration. Il n’a pas rétabli la sécurité. Il a laissé l’école et l’hôpital dans un flou brumeux de renoncements. Il a organisé des grands débats inutiles, des conventions citoyennes sans lendemain. Résultat : plus personne ne suit.
Depuis la dissolution, le fossé est devenu gouffre (…)
C’est là que le vernis craque. À force de vouloir incarner à la fois le président stratège et le président de comptoir, Emmanuel Macron n’est plus tellement audible. Il serre des paluches, interrompt un steak-frites, esquisse des sourires… mais la scène sonne creux. On ne rejoue pas la proximité quand on a passé huit ans à théoriser la verticalité du pouvoir. Jupiter, vous vous souvenez !