La saison estivale et le retour des touristes donnent des sueurs froides aux professionnels du CHR. Car le serveur se fait rare. Le turn-over habituel s’est accentué, les anciens ne sont pas tous revenus après le confinement, et le recrutement est de plus en plus ardu, constate Le Parisien.
Les besoins sont importants : en Île-de-France, les patrons de cafés et restaurants souhaitent recruter 13 645 serveurs cette année, c’est 50 % de plus que l’an dernier, selon l’enquête sur les besoins en main-d’œuvre récemment publiée par Pôle emploi.
En France, entre 220 000 et 250 000 postes restent non pourvus dans le secteur des cafés, hôtels et restaurants (CHR), d’après les estimations de l’Umih (Union des Métiers de l’Hôtellerie ). Et de fortes tensions existent dans les stations balnéaires et les grandes métropoles.
•• Le turn-over est une réalité ancienne dans le métier. Voilà des années que les affichettes « cherche serveur-serveuse » fleurissent régulièrement en vitrine ou sur le zinc. Mais elle a pris une ampleur nouvelle au sortir de la crise sanitaire.
Exemple dans un café du 15ème arrondissement … où il faut parfois appeler le patron, qui habite au-dessus du café, pour donner un coup de main. « Avant le Covid, on prenait des saisonniers, on s’en sortait. Aujourd’hui, on est tellement en galère qu’on a parfois pris des personnes qui n’avaient pas les capacités, le sérieux requis », glisse le responsable de l’établissement. « La plupart de ceux qui étaient à l’école hôtelière avec moi ont changé de voie … » poursuit-il.
•• Mais la période n’a pas été simple pour tout le monde, souligne un ancien employé de brasserie, désormais à son compte : « Certains, comme moi, n’avaient qu’une partie de leur salaire déclaré. Le chômage partiel ne permettait même pas de payer le loyer. Forcément ça fait réfléchir ! ».
Ange Romiti, de la fédération CGT commerce, rappelle aussi le sort des précaires et extras : « ils n’ont pas eu droit au chômage partiel, et n’ont pas eu d’autre choix que d’aller travailler ailleurs. »
•• « Les grands groupes ont tué la restauration, en préférant payer au fixe et moins cher des gens moins qualifiés » assure l’un des directeurs du Dôme, à deux pas de la tour Montparnasse (XIVe).
« Résultat : on a aujourd’hui des gens qui font ce métier par dépit, pas par envie. Il y a vingt ans, on contactait le bureau de placement pour trouver un chef de rang ou un maître d’hôtel, polyglotte et expérimenté, et on le trouvait en deux jours. Il y a dix ans, on mettait déjà deux à quatre mois. Maintenant, on n’y arrive plus. »
•• Des négociations de branche ont abouti à une nouvelle grille salariale, instaurant une rémunération minimum supérieure de 5 % au smic et une augmentation moyenne de 16,33 % des salaires. « On n’avait pas vu une hausse d’une telle ampleur depuis 2009 » selon Franck Trouet, porte-parole du GNI (Groupement des indépendants de l’ Hôtellerie ).
Encore « insuffisant » pour la CGT. Employeurs et syndicats discutent désormais des jours de repos et des amplitudes horaires, mais l’instauration d’un 13ème mois, réclamée par les syndicats, a été écartée.
« Le Covid nous a révélé le manque d’attractivité de nos métiers. On ne s’est pas assez occupés de nos employés » conclut le patron d’un restaurant parisien (IIe).