
Les nuages s’amoncellent sur les groupes de tabac. Et c’est la France qui est à l’offensive. Catherine Vautrin a annoncé la mise en œuvre au 1er juillet d’une interdiction de la cigarette sur les plages, dans les parcs, les jardins publics, et aux abords d’établissements scolaires (voir 31 mai).
Objectif : créer « une génération sans tabac » et limiter « l’attractivité » de la cigarette chez les plus jeunes.
C’est ainsi que débute un article des Échos (de Dominique Chapuis avec Juliette Roussel et Ninon Renaud), publié le 13 juin, que nous reprenons… en lui laissant la responsabilité de son analyse.
(NDLR) Pas une seule fois, l’étude KPMG n’est citée…
Cette annonce s’inscrit dans la croisade menée par le Gouvernement contre le tabagisme, considéré comme un enjeu majeur de santé publique. À l’occasion de la journée antitabac, le 31 mai, Santé publique France a rappelé que le tabagisme reste la première cause de mortalité dans le pays, avec plus de 75 000 décès par an.
La croisade porte ses fruits : l’an dernier, les ventes de cigarettes ont reculé de 11,5 % chez les buralistes, selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Mais l’exécutif français veut désormais aller plus loin encore en portant un coup aux sachets de nicotine.
En février, l’État a ainsi notifié à la Commission européenne un projet de décret visant à les interdire, sur lequel Bruxelles se prononcera à partir du 26 août.
Catherine Vautrin, qui a succédé à Geneviève Darrieussecq, a repris l’engagement de l’ancien Gouvernement en assimilant ces produits à une « porte d’entrée vers les drogues dures ».
De lourds enjeux pour les cigarettiers
De quoi faire trembler les cigarettiers. Les enjeux sont lourds : en France, le marché du tabac a totalisé 19,3 milliards d’euros en 2024 et les industriels comptent sur les produits alternatifs au tabac pour compenser progressivement la baisse du tabagisme. Ces produits, qui comptent aussi le vapotage, les cigares et les tabacs à priser ou à mâcher, restent encore marginaux en France. Mais leurs ventes ont augmenté de 2 % en 2024.
Selon Santé publique France, sur environ 15 millions de fumeurs, environ 8,3 % utilisent régulièrement la cigarette électronique. Soit environ 3 millions de personnes.
Quant à la part des sachets de nicotine, elle est encore faible : 100 millions d’unités ont été vendues par le leader du secteur British American Tobacco l’année dernière, soit un marché de consommateurs allant de 100 000 à 200 000 usagers. Mais leur succès auprès des jeunes inquiète les pouvoirs publics. Selon une étude de 2022, 2,5 % des 18-24 ans déclarent les avoir essayés.
British American Tobacco, qui veut « accélérer les progrès vers la construction d’un monde essentiellement sans fumée », vise 50 % de ses ventes avec les produits sans combustion d’ici à 2035.
En 2024, le volume de sachets vendus a globalement bondi de 55 %, atteignant 8,3 milliards d’unités. L’industriel commercialise déjà les sachets dans 44 pays, et notamment en France où les produits alternatifs au tabac représentent déjà 50 % de ses revenus.
Chez Philip Morris, le numéro un mondial du tabac (Marlboro), les produits sans fumée (cigarettes électroniques, sachets de nicotine…) représentent plus de 40 % des ventes. Le groupe ne vend pas de sachets de nicotine dans l’Hexagone.
Les industriels mettent en avant « une moindre nocivité de ces produits alternatifs ». Aux États-Unis, Philip Morris a ainsi obtenu, au début de l’année, le feu vert de la FDA, qui indique « à l’issue d’un examen scientifique approfondi » que « les produits autorisés présentent un risque plus faible de cancer et d’autres problèmes graves de santé que la cigarette ainsi que le tabac à priser humide et le SNUS ».
Les cigarettiers ont rallié à leur cause certains élus.
Alors qu’au niveau de l’Europe, plusieurs pays contestent le projet français, pas moins de quatre propositions de loi ont été déposées en mai et juin à l’Assemblée et au Sénat pour réglementer ces produits, dont certaines transpartisanes (voir 6 juin 2024).
Pour ces élus, l’idée est de contrôler les ventes de sachets de nicotine, et non de les interdire.
« On doit apporter une réponse adoptée avec un encadrement et un taux de nicotine maximum, et les vendre dans des endroits réservés. Si on l’interdit, cela va créer un marché noir sur les réseaux sociaux, qui ne sera pas contrôlé et bien plus dangereux pour les consommateurs », estime le député Ludovic Mendes, à l’origine d’un des textes.
La proposition de les taxer offrirait, en plus, des recettes à l’État, qui voit baisser celles liées à la cigarette (80 % du prix d’un paquet est constitué de taxes).
La Suède en exemple
« Aujourd’hui, 31,1 % des Français sont des fumeurs. Il y a eu un recul de 5 points en vingt ans, c’est peu comparé à d’autres pays comme le Japon, la Nouvelle-Zélande, l’Italie, le Royaume-Uni ou la Suède, où des solutions alternatives ont été poussées », ajoute un industriel.
« En Grande-Bretagne, il y avait 30 % de fumeurs dans les années 2000. Ils sont 13 % aujourd’hui. »
Pour ces fabricants, la Suède fait figure d’exemple. Le recours à ces sachets – ou snus blanc – placés entre la gencive et la lèvre, inscrits dans la tradition, aurait permis de diminuer fortement le tabagisme depuis trente ans. Le pays affiche le plus bas taux de fumeurs en Europe (5,4 %) et aussi le plus faible taux de mortalité au monde de cancer du poumon.
Tout le monde est cependant d’accord pour que les ventes soient interdites aux mineurs.
Et le taux de nicotine limité.
British American Tobacco estime qu’il faut « autoriser les arômes destinés aux adultes et interdire ceux, ainsi que les emballages, qui attirent spécifiquement les mineurs ».
La distribution devra aussi être réservée aux buralistes.
« Une réglementation bien pensée peut aider la France à atteindre ses ambitions sans fumée », plaidait récemment Sébastien Charbonneau, directeur des affaires publiques de British American Tobacco France (voir 28 janvier 2025).
En Europe, seuls la Belgique et les Pays-Bas interdisent la vente de sachets de nicotine.




