À l’heure où le gouvernement français pense sérieusement à instaurer une taxe, mais également une obligation d’agrément pour les vape-shops, en plus d’une interdiction de vente en ligne (voir le 16 octobre), beaucoup de doutes légitimes envahissent le secteur de la vape indépendante. Dont la plus grande : celle d’être assimilée encore plus qu’elle ne l’est déjà, dans les esprits, à l’industrie du tabac.
Pour mieux comprendre ce qui pourrait nous attendre, mais aussi ce qui pèse toujours dans la balance et rend le secteur de la vape aussi unique, nous sommes allés à la rencontre de Jean-Philippe Perot, buraliste tabac et vape depuis 13 ans maintenant, qui jongle avec les droits d’accise, les interdictions et les contraintes inhérentes à sa licence.
Il nous raconte son quotidien et nous livre son point de vue sur l’article 23.
C’est ainsi que débute une interview de One Shot Media que nous reprenons.
One Shot Media : Bonjour Jean-Philippe Perot, vous êtes buraliste sur Cholet depuis 2012 et proposez également des produits du vapotage. Quand avez-vous commencé à distribuer ces produits et pourquoi ?
Jean-Philippe Perot : Effectivement, je suis arrivé avec mon épouse dans cette profession il y a 13 ans et j’ai tout de suite proposé à ma clientèle cette alternative à la combustion. Aidé en cela parce que pleinement convaincu par ce produit qui nous a permis à tous deux de lâcher nos cigarettes. J’y voyais certes une opportunité commerciale, je ne vais pas le nier, mais j’y voyais surtout l’avenir de ma profession. J’avais à cœur de suivre mes clients dans leur démarche d’arrêt du tabac, en leur proposant une alternative crédible. Et par ce biais, cela m’a permis au fil du temps de fidéliser des centaines de clients.
J’ai tenté tout au long de ces années, et dès le début, de convaincre mes collègues proches, puis au niveau départemental, de les inciter à s’inscrire pleinement dans l’appropriation de ce produit. En se formant déjà, c’est la base, tout en proposant une offre structurée. Avec des réticences assez fortes au départ, on ne va pas se le cacher, mais également avec de belles réussites chez certains de mes confrères au fil des années.
Treize ans après, à titre personnel, c’est la vape qui est le moteur de mon commerce.
OS Media : Un projet de taxation, d’interdiction de la vente en ligne et d’obligation d’agrément pour les vape-shops est actuellement en discussion dans le Budget 2026. Que pensez-vous de cet article 23 ?
Jean-Philippe Perot : Comme vous, je ne sais pas ce qui ressortira de ce très décrié article 23. À titre personnel, je pense qu’il y a beaucoup de mauvais signaux dans ce projet, tout en lui reconnaissant au moins une utilité : celle d’une régulation de l’ensemble des produits nicotinés.
Tout d’abord, sur la taxe elle-même. Je pense que c’est effectivement le plus mauvais signal pour nos consommateurs, ou plutôt futurs consommateurs. Pourquoi taxer un produit qui permet de sortir du tabagisme ? Alors, on nous opposera certainement que cette taxation sera sans aucune mesure avec celle du tabac. C’est vrai… aujourd’hui… mais j’ai rarement vu une taxe baisser après sa mise en place… En revanche, il sera aisé de l’augmenter chaque année, à l’instar de ce qui se fait sur le tabac.
Et c’est surtout un mauvais signal pour les futurs vapoteurs qui se diront, même inconsciemment : « Si ce produit est taxé, c’est qu’il est peut-être dangereux ! » Ce sera un frein au switch. Bref, à mon sens, en termes de politique de santé publique, il n’y a rien de plus contre-productif.
Ensuite, sur l’interdiction de vente en ligne. Je constate que les avis sont très contrastés, même au sein des vapeshops. À mon niveau, je comprends parfaitement les inquiétudes des purs players, mais même s’il y a de très bons sites, il en existe également qui commercialisent ce produit sans conseil… et surtout sans contrôle réel de l’âge.
Qu’on le veuille ou non, on parle d’un produit sensible. On pourrait peut-être déjà trouver une solution intermédiaire dans le contrôle obligatoire et vérifiable de la majorité. Donc, je suis assez partagé sur ce point de l’article 23, car je milite pour que la vape soit largement diffusée, tout en permettant aux consommateurs d’avoir les informations et conseils nécessaires à sa compréhension et son appropriation. Et en respectant la règle qui prévaut, celle de l’interdiction de vente aux mineurs. À l’heure actuelle, les réseaux physiques des buralistes et des boutiques spécialisées sont pour moi les seuls permettant de tendre vers cela.
Enfin, et c’est en lien avec la taxe, on parle du régime d’accise, même si cette taxe pourrait être à 0 € en 2026, mais sans déroger à la règle de l’accise. L’unique intérêt pour moi de cette accise, même si on aurait certainement pu proposer autre chose, c’est qu’elle réservera la vente de la vape aux établissements agréés par l’administration. En l’espèce, la gestion réglementaire de ces établissements serait confiée au ministère du budget, et plus particulièrement à son bras armé : la Douane.
Alors, je sais que cela ne plaît pas à l’ensemble des professionnels du secteur, mais cela aurait au moins le mérite de réguler tout en soumettant à certaines règles communes le réseau des buralistes et celui des vapeshops.
D’abord réguler pour éviter que ce produit ne se retrouve, comme c’est trop souvent le cas, dans des points de vente « exotiques ». Je pense à la GMS, aux discounters, mais aussi, au pire, pour l’avoir constaté moi-même, dans des foires à disposition dans des machines à pinces !
Mais aussi, il m’apparait logique que l’ensemble des acteurs soient soumis à des règles similaires : que ce soit sur l’obligation de formation, mais aussi sur les règles d’implantation ou encore sur le non-respect de nos obligations. Certains m’opposeront avec raison que nous ne pouvons pas considérer la vape comme le tabac, c’est vrai… Je le pense aussi. Mais il me semble légitime que l’ensemble des acteurs soient soumis aux mêmes exigences sur les produits de nouvelle génération qui, in fine, remplaceront la combustion.
( … ) Les 2 réseaux, plus de 25 à 26 000 professionnels avec un maillage à travers tout le territoire… Je pense que chacun est complémentaire. Avec quelques centaines de buralistes au départ qui ont « osé la vape », quelques milliers aujourd’hui à prodiguer les bons conseils. Une majorité qui propose une multitude d’activités et de services au profit de la population locale et qui sont plus sur une « Vape dépannage » avec une amplitude horaire impossible pour les boutiques.
Donc, oui, les 2 ou 3 réseaux actuels se complètent : boutiques spécialisées, buralistes très engagés dans la Vape, et le reste du réseau des buralistes. J’espère juste que ce modèle unique et reconnaissons-le, atypique sur le marché mondial de la vape, puisse perdurer.




