Prévention ; lutte contre les inégalités d’accès à la santé ; pertinence des prises en charge ; innovation : telles sont les quatre priorités de la « Stratégie nationale de Santé 2018-2022 », adoptée le 20 décembre par le Gouvernement après trois mois de concertation.
Et avec de nombreuses généralités nécessitant de premiers décryptages.
•• Cette « stratégie » constitue « la colonne vertébrale de la politique menée par le Gouvernement en matière de santé pour les cinq prochaines années », a souligné le ministère de la Santé, en précisant que le décret, « signé de tous les ministres », paraîtrait avant le 31 décembre.
Le document qui expose cette stratégie nationale, mis en ligne par le ministère, liste – précisons-le bien – de grandes orientations sans trop détailler de mesures concrètes.
À partir de cela, tout est possible, le bon comme le mauvais.
•• Le premier volet consiste à « promouvoir les comportements favorables à la santé » en insistant sur la prévention. Le but : « réduire des facteurs de risque qui induisent des coûts sociaux considérables : 20,4 milliards d’euros pour l’obésité, 15 milliards d’euros pour l’alcool (49 000 morts évitables) et 26,6 milliards d’euros pour le tabac (73 000 morts évitables) ».
Cela passe « entre autres » par le processus d’augmentation du prix du tabac déjà enclenché, qui aboutira à un paquet à 10 euros d’ici à la fin de 2020. Comme de bien entendu. C’est toujours cela d’acquis en tant que « signe » envoyé auprès de l’opinion publique. En revanche, quid des résultats escomptés en termes de prévention ? Après le fiasco du paquet neutre …
La stratégie … fort bien, mais des objectifs réalistes et précis feraient mieux dans le tableau.
•• Plus loin, quatre axes sont tracés plus spécifiquement concernant le tabac.
Pour lequel la notion de « première génération … sans » est invoquée :
1- une « évolution des lieux publics sans tabac » dans le sens de nouvelles restrictions. Ce n’est pas indiqué, mais on pensera aux terrasses ;
2- le soutien aux démarches d’arrêt. En espérant que seront tirées les conséquences de l’échec relatif du dernier « Moi(s) sans tabac » (voir Lmdt des 29 novembre et 1er décembre) ;
3- un accès encore plus facilité aux traitements de substitution et de sevrage. On regrettera que la cigarette électronique ne soit pas citée. Par contre, au chapitre de la réduction de l’accessibilité des « substances » pour les jeunes, présenter « le prix » comme la panacée semble bien illusoire ;
4- un ciblage des populations vulnérables ; c’est-à-dire, d’après le document : jeunes stressés, femmes enceintes inquiètes, travailleurs pauvres, personnes sans domicile désemparées, personnes incarcérées désœuvrées … Soit la démarche typique du traitement des conséquences et non des causes. Tout cela étant très général et n’échappant pas aux poncifs du genre.
•• Par ailleurs, dans le document, il est bien stipulé que la France comprend 1,4 million d’usagers du cannabis, dont 700 000 usagers quotidiens (voir Lmdt du 22 décembre).
Tout comme, il est indiqué que les pratiques addictives concernant les consommateurs de jeux voient 1,2 million de personnes concernées.
•• On notera la recommandation d’une démarche – plutôt pertinente – visant à la mise en place d’un parcours de santé « addictions » : permettre d’offrir aux personnes le nécessitant une offre adaptée de prévention, de réduction des risques et de prise en charge sanitaire et sociale tout au long de la vie.
•• Pour aboutir à cette stratégie nationale, la ministre Agnès Buzyn s’est basée sur un rapport du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), avant de lancer un processus de concertation le 18 septembre. Une consultation publique en ligne a ensuite été menée pendant trois semaines (voir Lmdt du 9 novembre).