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15 Juil 2017 | Profession
 

Alors qu’était en cours de signature les mesures sociales sur la fermeture des sites Seita de Riom et Fleury-les-Aubrais (voir Lmdt du 12 juillet), LeMonde.fr regardait du côté des tabaculteurs, notamment ceux dont les champs jouxtent l’usine du Puy-de-Dôme. Extraits. 

•• « Ça me désole », soupire Thierry Arnaud, qui depuis trente ans cultive du tabac en face de l’usine. À l’annonce de la fermeture, en novembre dernier, il a rejoint le comité de soutien avec d’autres planteurs et buralistes locaux. « C’était l’occasion de faire connaissanceL’un des employés ne savait même pas qu’il y avait un champ de tabac en face de lui ! » Il a aussi participé aux manifestations des salariés menacés.

•• « Qui va reprendre le site ? Est-ce que ça fera une friche industrielle de plus ? », s’interroge le tabaculteur qui a l’impression d’avoir reçu un coup sur la tête. Même si le tabac n’était pas vendu directement à la Seita, mais à l’usine de première transformation de Sarlat (Dordogne), approvisionnant le marché mondial. « Ils ont coupé la tête. Nous, on est les jambes. On a peur d’être les prochains sur la liste ».

Le sexagénaire est d’autant plus inquiet que la culture de tabac est cruciale pour assurer sa survie. « Elle m’a permis plusieurs fois de maintenir la tête hors de l’eau les mauvaises années, confie-t-il. Si je n’avais pas le tabac, je ne serais plus là, car je n’ai pas une surface suffisante pour être rentable en cultivant uniquement du blé et de la betterave ».

•• « La fermeture de l’usine de Riom est un mauvais signal, ça concourt à la marginalisation du secteur », regrette François Vedel, directeur de la Fédération nationale des Producteurs de Tabac. Il peste contre le « climat hostile entretenu par les pouvoirs publics » et les mesures de santé publique, « un peu extrémistes », mises en place pour lutter contre le tabac.

« Cette politique dissuasive explique le désengagement des industriels », dit-il, déplorant « l’absence de soutien politique pour maintenir la filière tabacole, alors qu’il y a plus de demande que d’offre ». Selon lui, quelque 40 000 tonnes de tabac sont fumées chaque année en France …cinquième producteur européen avec 8 000 tonnes produites. « Notre combat dérange », assure François Vedel. Il incrimine la « mauvaise image du tabac », dont les planteurs feraient les frais.

•• Les producteurs vantent la « qualité » et la « traçabilité » du tabac français. En oubliant de préciser qu’il se retrouve finalement mélangé à vingt ou trente tabacs d’origines différentes dans une même cigarette. Car ils savent bien que les industriels « font leurs mélanges et mettent ce qu’ils veulent dans les cigarettes », dont la composition ne figure pas sur les paquets neutres, reprécise Le Monde.

•• La dépendance des planteurs à une poignée d’industriels s’est brusquement rappelée à eux, il y a quelques mois, quand Imperial Brands, en parallèle de la fermeture de l’usine de Riom, leur a annoncé qu’il n’achèterait plus leur tabac. Un coup de tonnerre, car le groupe était jusqu’ici le principal client du tabac français. « Il a fallu réagir, raconte François Vedel. On a démarché de nouveaux groupes mondiaux. »

Japan Tobacco International s’est montré intéressé, et a commandé, pour la première fois, « 10 % de la production française », précise le porte-parole des planteurs au Monde.

En attendant, ils cherchent d’autres marchés en se positionnant sur des niches, moins stables mais plus rémunératrices, comme la chicha et le tabac bio.

•• Se passer des multinationales pour fabriquer son propre tabac, « ce serait le rêve absolu », assure Fanny Verdier, salariée d’une petite exploitation« j’aimerais travailler sur des marchés plus petits, en circuit court, tracé et de grande qualité, pour en faire quasiment un produit de luxe. » Elle lorgne le modèle de la « 1637  » « tu vois, ils ont réussi à sortir de la dépendance aux grands groupes. Comme quoi ce n’est pas eux qui commandent … ».

L’histoire du tabac 1637 … certains se plaisent à la comparer au « combat de David contre Goliath », une exception (voir Lmdt des 27 juin 2016 et du 12 septembre 2015).