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18 Jan 2017 | International, Profession
 

Cette nouvelle opération de fusion-acquisition entre géants du tabac suscite diverses analyses dans la presse française. Extraits significatifs :

•• Le Monde (Denis Cosnard)

« Pour BAT, l’objectif est double. Le premier est l’effet de taille. Le leader britannique devrait devenir la première entreprise cotée de tabac du monde en termes de chiffre d’affaires et de valeur boursière, en dépassant Philip Morris International, le groupe qui vend les Marlboro en dehors desÉtats-Unis . De quoi permettre de réaliser des économies d’échelles évaluées à plus de 400  millions de dollars au bout de trois ans. BAT va s’implanter solidement aux États-Unis, où Reynolds est numéro deux du marché. L’acquisition doit aussi renforcer la place de BAT dans les pays émergents, où la consommation de tabac reste en croissance. Ils représenteront 60  % des ventes en volume du nouvel ensemble.

« Deuxième intérêt, BAT va se hisser parmi les leaders de l’e-cigarette, en ajoutant la marque Vuse de Reynolds, très présente aux Etats-Unis, à sa propre cigarette électronique Vype. Le britannique entend ainsi s’affirmer plus que jamais comme le « principal groupe international » dans le vapotage. Jusqu’à la prochaine fusion …

•• Le Figaro (Ivan Letessier)

« Né en 1902, British American Tobacco (BAT) avait quitté les États-Unis dans les années 2000, après le plus grand scandale qu’ait connu l’industrie. Attaqués par 46 États américains pour rembourser les dépenses de santé liées au tabac que ces derniers avaient pris en charge, les industriels avaient échappé à une condamnation en trouvant, en 1998, un accord amiable au terme duquel ils s’engageaient à verser 246 milliards de dollars.

« Comme leurs rivaux, les dirigeants de BAT craignaient que d’autres procès aient un impact sur les comptes de l’ensemble du groupe. Fin 2003, BAT a décidé de marier sa filiale américaine avec Reynolds, et de ne garder qu’une minorité du nouvel ensemble. Une façon de se protéger, Reynolds prenant en charge les responsabilités de BAT dans l’accord de règlement en 1998, et surtout, d’éventuels futurs litiges, notamment de possibles class actions engagées par des associations de consommateurs. Altria a, lui, créé un cordon sanitaire en scindant, en 2008, ses activités américaines du reste du groupe, rebaptisé Philip Morris International.

« Le come-back de BAT aux États-Unis est donc, en quelque sorte une reconstitution de ligue dissoute. « L’opération est possible car le marché estime que la vague est passée, et que les risques de procès sont plus faibles », confie un bon connaisseur du secteur. Le jeu en vaut la chandelle. Si le marché américain des cigarettes s’est beaucoup rétréci depuis les années 2000, il reste en effet une opportunité importante, d’autant que les experts s’attendent à un ralentissement du rythme de la baisse, à seulement 2 à 4 % par an en volumes (…)

« Plus gros, BAT est également mieux armé pour préparer l’avenir en investissant dans des produits moins nocifs que les cigarettes. C’est devenu une nécessité pour tous les industriels, très longtemps cantonnés à un seul produit. Non seulement la cigarette a une image de plus en plus mauvaise partout dans le monde, mais les politiques publiques de santé et les réglementations de plus en plus restrictives, y compris dans les pays émergents, sont désormais véritablement considérées comme une menace. Ensemble, BAT et Reynolds estiment disposer du meilleur pipeline de produits de nouvelle génération, qu’il s’agisse des vapoteuses, des cigarettes électroniques ou, plus prometteurs encore, des systèmes proposant du tabac à chauffer.

« Dans ce contexte, experts et acteurs du secteur spéculent sur une autre gigantesque opération de consolidation dans les mois ou années à venir. La proie est identifiée : le britannique Imperial Brands, propriétaire de Gauloises et Gitanes. Ironie de l’histoire, ce groupe fut à l’origine de la création de BAT et resta à son capital jusque dans les années 1980. Il devrait intéresser deux prédateurs : BAT et son rival Japan Tobacco International, qui pourraient s’associer pour se partager la proie. Seul obstacle : cette perspective a déjà fait flamber le cours de Bourse d’Imperial Brands. À Londres, le groupe est valorisé plus de 34 milliards de livres, moitié plus qu’il y a trois ans… Trop cher ? ».

 

BAT VA RACHETER REYNOLDS POUR 50 MILLIARDS DE DOLLARS (17 janvier)

Le groupe British American Tobacco (BAT) va prendre le contrôle de Camel (pour le marché US) et d’autres grandes marques pour près de 50 milliards de dollars, afin de devenir un leader aux États-Unis et dans l’e-cigarette, annonce l’AFP dans une dépêche de ce mardi 17 janvier (voir Lmdt des 16 novembre et 22 octobre 2016).

Le groupe britannique, propriétaire des marques Dunhill, Lucky Strike, Kent et Rothmans, va débourser précisément 49,4 milliards de dollars (46,5 milliards d’euros) pour acquérir les 57,8 % du capital qu’il ne possède pas encore chez Reynolds American, fabricant des Camel et Newport. Approuvée par les conseils d’administration des deux groupes, l’opération sera réalisée pour partie en numéraire et pour partie via un échange d’actions, a annoncé BAT ce mardi dans un communiqué.

• Pour chacune de leur action Reynolds, les propriétaires du groupe américain recevront 29,44 dollars en numéraire et 0,5260 action BAT. Au final, l’opération représentera un versement à leur profit de 24,4 milliards de dollars en numéraire et de 25 milliards en action. La somme versée comporte une prime de 26 % par rapport au cours de clôture de l’action Reynolds le 20 octobre, veille de l’annonce par BAT qu’il avait déposé une offre amicale d’achat sur Reynolds dont il détient déjà 42,2 % du capital. BAT avait à l’époque mis 47 milliards de dollars sur la table, une somme finalement revalorisée de plus de 2 milliards supplémentaires.

Les deux partenaires espèrent que la transaction sera bouclée au cours du troisième trimestre 2017. Cette dernière doit néanmoins recevoir l’accord des actionnaires des deux groupes et des autorités de régulation aux États-Unis et au Japon. Si elle va à son terme, cette opération serait la plus importante consolidation dans le secteur depuis le rachat par le même Reynolds de son compatriote et concurrent Lorillard l’année dernière pour 27 milliards de dollars (voir Lmdt du 29 janvier 2015).

• BAT deviendrait alors la première entreprise cotée de tabac du monde en termes de chiffre d’affaires et de bénéfice opérationnel. En termes de nombre de cigarettes vendues, elle consoliderait sa troisième place mondiale, derrière le mastodonte d’État China National Tobacco Corporation (CNTC) et Philip Morris International qui vend notamment les Marlboro en dehors des Etats-Unis ainsi que les L&M et les Chesterfield, selon la dépêche AFP.

Pour BAT, l’objectif consiste à s’implanter aux États-Unis. Avec ses marques historiques Camel et Pall Mall, Reynolds y est le numéro deux derrière Altria qui y commercialise les fameuses Marlboro.

Malgré quelques difficultés, le marché américain reste le deuxième plus important au monde derrière le marché chinois.

BAT a souligné aussi que cette acquisition consoliderait sa place déjà importante dans les marchés émergents, où la consommation de tabac est en forte croissance, en Amérique du Sud, Afrique, Moyen-Orient et Asie. Ces marchés émergents représenteront 60 % des ventes en volume du nouveau groupe.

• Le groupe britannique a aussi mis en avant qu’il serait un des leaders dans le domaine de l’e-cigarette. BAT vend notamment sa cigarette électronique Vype au Royaume-Uni, où elle l’a lancée en 2013, ainsi qu’en France entre autres (voir Lmdt des 2 décembre et 4 août 2016 ainsi que du 11 décembre 2015), tandis que Reynolds commercialise aux États-Unis l’e-cigarette Vuse, présentée comme une des principales marques sur le marché américain – le premier du monde dans ce domaine.

BAT se présente comme le « principal groupe international » pour le marché du vapotage et entend renforcer cette position.

Au moment de la présentation du projet d’achat par BAT en octobre, Shane MacGuill, expert chez Euromonitor International, avait souligné que cette manœuvre présageait « une nouvelle période de consolidation dans l’industrie mondiale du tabac dans les années à venir, avec la réunification de Philip Morris International et Altria, avec au final peut-être deux acteurs majeurs du tabac mondial », conclut l’AFP.