Le ministre délégué des Comptes publics Gabriel Attal dévoile en exclusivité pour La Voix du Nord, ce 18 janvier, le Protocole d’Accord qu’il doit signer jeudi avec la Confédération des buralistes. Durement touchés par la baisse des ventes de tabac et la contrebande illicite, les 23 500 commerçants bénéficieront d’un plan de 290 millions d’euros sur cinq ans.
Nous reprenons l’essentiel de cet interview.
• Vous avez annoncé en octobre un protocole d’action en faveur des buralistes. Qu’en est-il ?
Gabriel Attal : Le protocole que je signerai jeudi avec le président de la Confédération des buralistes prévoit 290 millions d’euros sur cinq ans. Les 23 500 buralistes français sont beaucoup plus que des vendeurs de tabac. Ils sont devenus des relais essentiels des missions de service public avec le paiement des impôts et amendes auprès de 14 000 d’entre eux (pour 3 millions de transactions).
Ils permettent le paiement de factures, l’achat de billets de train, ils servent de relais postaux … Dans beaucoup de territoires ruraux, c’est un lieu de vie et de dynamisation. Ils sont pour moi l’incarnation de cette France qui se lève tôt. Les aider, c’est aider la France qui travaille dur.
• À quoi va servir le protocole ?
G. A. : À les soutenir sur plusieurs sujets. D’abord pour leur sécurité. Ils font face à des actes violents. On constate 500 infractions par an. Si le nombre de cambriolages diminue, il y a encore beaucoup d’agressions. Je refuse que les buralistes aillent travailler avec la peur au ventre. Une enveloppe de 15 millions par an sera ouverte pour les aider à se sécuriser (jusqu’à 10 000 euros par commerçant).
Je veux aussi les accompagner dans leurs difficultés financières. Je constate que ces dernières années, on a réduit l’hémorragie. Entre 2012 et 2017, entre 400 et 500 buralistes fermaient chaque année. En 2020-2021, on était autour de 250. Et en 2022, on devrait être sous les 200.
Mais certains buralistes, notamment des zones rurales et frontalières, sont plus en difficulté que d’autres à cause de l’affaissement des ventes de tabac. Je pense aux Hauts-de-France par exemple où on est passé de 3 400 tonnes de tabac vendues en 2017 à 2 400 en 2022. Dans ces zones, nous prévoyons une aide qui pourra aller jusqu’à 5 000 euros par an en fonction du chiffre d’affaires.
Plus globalement, je veux améliorer la rémunération des buralistes, en reversant une partie des revenus de l’industrie du tabac aux commerçants. Ainsi, la part de la vente d’un paquet qui revient au buraliste passera progressivement de 8,10 % aujourd’hui à 8,35 % en 2025. Cela représentera en moyenne un revenu supplémentaire de 2 300 euros par an.
• Que devient l’aide à la Transformation ?
G. A. : 75 % des débits de tabac ont d’autres activités. Nous maintenons l’aide à la transformation de 20 millions par an. L’objectif est que 4 500 buralistes en bénéficient d’ici à la fin du quinquennat. Cela pourra financer jusqu’à 50 % du montant des travaux engagés par les débits faisant moins de 500 000 euros de CA de vente de tabac (dans l’année précédant la demande). L’aide sera toujours de 30 % pour les autres.
Les retours des buralistes sont très positifs. En développant de nouvelles activités, ils augmentent sensiblement leur rémunération. Et je reste ouvert à toutes les nouvelles idées de Transformation que pourra proposer la Confédération .
• Ces aides viennent-elles en contrepartie de devoirs ?
G. A. : Évidemment. Je souhaite le renforcement de la vigilance sur la vente aux mineurs. On sera d’une fermeté absolue. Il y aura des sanctions disciplinaires lorsque l’interdiction n’est pas respectée et la suspension des aides. Je veux aussi que l’aide aux CA en zone rurale soit conditionnée à l’engagement de travailler au déploiement des missions de services publics.
• La Confédération réclamait une visibilité sur la fiscalité…
G. A. : Il n’y a pas de trajectoire fiscale, comme ça a été fait durant le quinquennat précédent. Mais dans le PLFSS (Projet de Loi de Finances de la Sécurité sociale), a été adopté un nouveau mode de calcul. Cela conduira à une augmentation de 50 centimes en mars, puis à une évolution basée sur l’inflation.
• Dans une tribune, le cardiologue Olivier Milleron (voir 18 décembre 2022) juge votre plan de lutte contre le commerce illicite de tabac « inefficace et immoral », en ne s’attaquant pas aux industriels du tabac. Que lui répondez-vous ?
G. A. : Mon plan s’attaque à tous ceux qui sont responsables du trafic. Si M. Milleron a des informations et des noms, qu’il les communique !
J’ai annoncé un déploiement inédit de moyens pour lutter contre ce fléau (voir 5 décembre 2022). Nous avons débloqué 45 millions d’euros pour l’achat de 22 scanners qui cibleront les centres de colis postaux ou les conteneurs des ports comme Dunkerque, très touchés par l’augmentation du trafic, et 200 lecteurs de plaques d’immatriculation.
Nous mettons en place avec l’Intérieur des groupements de lutte anti trafic de tabac (GLATT). En mars, l’un ouvrira à Lille. Ces GLATT associeront gendarmes, policiers et douaniers. Je souhaite qu’ils mènent 50 opérations coup de poing en 2023 et 100 en 2024 sur les lieux de trafic.
Enfin, je veux répondre au phénomène choquant du développement des usines clandestines de tabac. Cette année, quatre ont été démantelées, dont une à La Longueville (près de Maubeuge). Chacune produisait entre 1 et 2 millions de cigarettes. On va mobiliser les GLATT mais aussi les services de renseignement des douanes.
• Quel est le bilan des saisies de tabac dans les Hauts-de-France ?
G. A. : Entre 2021 et 2022, les saisies ont augmenté de 241 %. On est passé de 98 à 237 tonnes sur les onze premiers mois de l’année. 46 tonnes rien que sur l’agglomération lilloise.
Photo : La Voix du Nord