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31 Mai 2024 | Pression normative
 

Ce 26 mai, sur BFM-TV, la ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, sest alarmée – à son tour – de la vente de « Sniffy », substance énergisante qui se présente sous la forme de poudre blanche à inhaler par les narines (voir 25 mai).

Cette inquiétude est partagée par la Confédération des buralistes, qui s’est positionnée « contre ce produit » (voir 26 mai) et par plusieurs addictologues. Le Monde fait le point sur la polémique et une « éventuelle » interdiction.

La marque Sniffy a été déposée à la mi-2023. Selon le site officiel du fabricant, une entreprise marseillaise, cette « poudre à sniffer » énergisante procure « un regain d’énergie instantané » pendant une durée de « vingt à trente minutes ». Elle se décline en saveurs sucrées comme le fruit de la passion, le bonbon fraise et la menthe fraîche, et semble viser un public jeune : « Sniffy vous accompagnera dans de nombreuses situations : lors de vos exercices physiques, de vos études, examens, mais encore la nuit. »

•• Les composants du produit – la L-arginine, la caféine, la créatine, la L-citrulline, la taurine, la bêta-alanine et la maltodextrine – rappellent ceux des boissons énergisantes. Sauf qu’à la différence de ces dernières, cette poudre blanche doit être inhalée par le nez à l’aide d’une pipette. La pratique rappelle celle des consommateurs de cocaïne, comme le dénoncent les responsables politiques et les addictologues opposés à sa vente.

Ce produit est disponible au tarif de 14,90 euros pour une fiole d’un gramme et « essentiellement mis en vente sur Internet », a affirmé à l’Agence France-Presse le président de la Confédération des buralistes, Philippe Coy, qui estime à « quelques dizaines au plus » le nombre de bureaux de tabac qui en commercialisent.

•• Plus que les composants, cest le mode dadministration de ce produit qui questionne les détracteurs de Sniffy. « Il ne faut pas tourner autour du pot, cest fait pour maintenir la confusion et donner le sentiment quon est en train de consommer de la cocaïne, den avoir les effets, sans que ce soit vraiment de la cocaïne », se révolte l’addictologue Amine Benyamina, président de la Fédération française dAddictologie, qui déplore le « cynisme » du fabricant. « Cest scandaleux, sur le plan éthique et moral, de proposer une Red Bull ou une Gatorade sous la forme de poudre. »

L’association Addictions France s’inquiète aussi de « la banalisation de la cocaïne » et, « circonstance aggravante », des saveurs sucrées qui « attireront les plus jeunes ». Si le geste interroge les spécialistes en addictologie et les politiques, il ne semble pas interpeller la sensibilité de l’entreprise marseillaise. « Une poudre blanche quon inhale par le nez ? Pas damalgame, Sniffy est légale », ironise même la marque.

•• Quels peuvent être les effets indésirables ? Sur son site, le fournisseur de Sniffy restreint la vente de son produit aux adultes et conseille aux consommateurs de consulter un professionnel de santé pour évaluer les risques.

Puis, il recommande « de commencer par de petites doses », « daugmenter au fur et à mesure », de ne pas dépasser « la dose quotidienne recommandée », qu’il estime à 2 grammes par jour, soit l’équivalent de deux fioles, et d’éviter toute interaction avec de l’alcool ou des médicaments.

« Cette limitation de consommation ne repose sur rien de scientifique, cest juste un moyen pour eux de se protéger sur le plan juridique » juge le professeur Benyamina, « en plus, ce produit ne sachète pas en pharmacie ; un buraliste ne va pas vous expliquer la notice médicamenteuse et les limitations. »

•• Le ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, Frédéric Valletoux a annoncé sur Franceinfo, le 25 mai, qu’il allait rapidement étudier les moyens juridiques pour « interdire ce type de choses » (voir 25 mai). Le député (Parti socialiste) de l’Essonne Jérôme Guedj a affirmé sur le réseau social X qu’il « travaillait depuis plusieurs semaines » sur une proposition de loi pour « interdire cette simili-coke ».

L’article L3421-4 du code de la santé publique, qui punit « la présentation sous un jour favorable de lusage illicite de stupéfiants » (cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende) ou la « provocation à lusage de substances présentées comme ayant les effets de substances ou plantes classées comme stupéfiants », pourrait être utilisé pour justifier la prohibition de ce produit énergisant.

Cependant, il paraît « compliqué, en l’état, dinterdire la vente de ce produit », assure Raphaële Tort-Bourgeois, avocate en droit pénal. « Le geste et la forme [liés à] cette substance sapparentent à de la prise de stupéfiant, mais je ne vois pas comment cela pourrait être interdit, vu que les composants ne sont pas prohibés ».

« Cest le volet sanitaire et médical qui pourrait faire interdire ce produit, pas le côté pénal lié aux stupéfiants » selon Mme Tort-Bourgeois. « On pourrait demander à lentreprise des précisions sur les précautions demploi comme sur les effets du produit qui dureraient vingt à trente minutes. Ça vient doù ? » Contactée par Le Monde, l’entreprise n’a pas répondu à ses sollicitations.