France Galop et le Trotteur Français sont deux associations à but non lucratif qui chapotent l’organisation des courses de chevaux en France. Sous la tutelle des ministères de l’Agriculture, du Budget et de l’Intérieur, ces deux associations emploient 3 500 personnes en France. Chacune représente une discipline : le trot et le galop. C’est la toute première interview que les deux dirigeants acceptent ensemble. Ils l’ont réservée à Ouest-France. Extraits …
•• Quelle est l’ampleur de votre mission ?
Jean-Pierre Barjon, président du Trotteur Français : Nous gérons 233 hippodromes, 3 500 salariés, 12 000 professionnels, 6 000 bénévoles actifs. On est deux associations avec les mêmes règlements, la même ambition, les mêmes missions. On cogère l’ensemble de la filière : le PMU, la chaîne Equidia, le centre de formation l’Afasec, le GTHP (les hippodromes parisiens). Longchamp et Vincennes sont nos « Stade de France ».
Guillaume de Saint-Seine, président de France Galop : Nous bâtissons le programme des 18 000 courses qui ont lieu par an en France.
•• Comment améliorez-vous le bien-être équin ?
Guillaume de Saint-Seine : Notre mission est de veiller à la régularité des courses. À chaque réunion de courses, deux vétérinaires sont présents. Si un cheval montre un signe de faiblesse, ils peuvent l’interdire de courir. On travaille aussi sur la saisonnalité du programme pour éviter aux chevaux de courir sous de trop fortes chaleurs. Le concept de maltraitance n’existe pas pour les entraîneurs. Ils donnent leur vie pour leurs chevaux.
Jean-Pierre Barjon : Le métier a évolué. Tout le monde a compris que la meilleure façon d’avoir des résultats, c’est d’avoir une intégration à 360° du cheval qui prend en compte le moral, sa nutrition, son entraînement…
•• Y aura-t-il encore des courses hippiques dans 50 ans ?
Guillaume de Saint-Seine : Ce métier existe depuis plus de deux siècles. Je suis optimiste : les courses sont le reflet d’une activité économique. Le galop est inséré dans un circuit mondial. Les courses se développent énormément dans d’autres pays, notamment dans les pays du Golfe, avec des investissements colossaux.
Jean-Pierre Barjon : On adapte la filière sur le bien-être équin, les responsabilités sociales et environnementales … Le meilleur rempart, c’est d’en avoir conscience pour agir à tous les niveaux : sur l’hippodrome, la formation du personnel, la gestion des terrains… Nous avons cette responsabilité sur les 233 hippodromes français. Cela nécessite un rôle d’éducation sur l’évolution des pratiques.
•• Quel est le poids économique de la filière hippique ?
Jean-Pierre Barjon : C’est 10 milliards de chiffre d’affaires, 2 milliards de marges brutes, 800 millions pour la fiscalité, 1,2 milliard de marges brute pour la collecte des paris… À la fin, c’est 600 millions redonnés aux propriétaires (les allocations, NDLR), qui investissent en réalité beaucoup plus que les joueurs dans l’écosystème. Les courses, c’est deux grands blocs : les parieurs, gérés par le PMU, et les propriétaires, par nous.
Guillaume de Saint-Seine : L’activité économique générée par les courses contribue à hauteur de 2,3 milliards au Produit national brut (PNB).
•• Les paris hippiques sont en baisse : quel est l’impact sur la filière ?
Guillaume de Saint-Seine : Le pouvoir d’achat est affecté, la fréquentation des PMU diminue, mais le digital (paris en ligne) est en croissance. À France Galop, on maintient l’enveloppe d’allocations pour 2024.
Jean-Pierre Barjon : Il n’y aura aucune conséquence sur 2024. On annonce 4 millions d’euros de primes exceptionnelles aux propriétaires, éleveurs et sociétés de courses.
11 300 chevaux sont éligibles à cette prime, soit 300 euros par cheval.
•• Les JO arrivent : craignez-vous une prépondérance des paris sportifs ?
Jean-Pierre Barjon : Depuis 2010, il y a une concurrence en ligne entre les paris sportifs, hippiques et de poker.
Guillaume de Saint-Seine : Le PMU a fait ses calculs et veille à ce que les points de vente restent ouverts pendant les JO. Fondamentalement en région parisienne.
•• La FDJ s’intéresse aux courses via Zeturf : votre avis (voir 7 mars) ?
Jean-Pierre Barjon : Ils ont acheté une marque. À voir comment ils la développent. Combien de fusions – acquisitions réussissent vraiment ?
Guillaume de Saint-Seine : Une sur deux est décevante pour les actionnaires. D’autres opérateurs sont présents aussi. Au PMU d’être performant (voir 9 février).
•• Le nombre de chevaux de course diminue : pourquoi ?
Guillaume de Saint-Seine : Il y a eu un effet marqué de la hausse de la TVA, passée de 7 à 20 %. Quand la facture augmente de 20 %, un propriétaire est tenté de réduire son effectif. La hausse du nombre de propriétaires contraste avec la baisse du nombre de chevaux à l’entraînement. C’est l’effet « associations » : syndicats, écuries de groupe… Je vois d’un très bon œil les écuries régionales. Notre plan, c’est de fidéliser et recruter.
•• Quid du bras de fer avec la mairie de Paris sur le renouvellement du bail de l’hippodrome de Vincennes ?
Jean-Pierre Barjon : On s’est vu récemment. La mairie de Paris nous a demandé de repréciser 130 points. Cela suppose des investissements importants à notre charge. Des sommes impossibles.
•• Renouveler ce bail, c’est bien votre plan A ?
Jean-Pierre Barjon : L’objectif est de rester à Vincennes. Maintenant, c’est compliqué. On manipule des sommes énormes, mais on est une association. On n’est pas LVMH. On rémunère nos hippodromes sur la base de 40 000 euros par réunion Premium (support des paris sur toute la France). Si on appliquait à Vincennes ce qui nous est demandé (par la mairie de Paris), on arriverait à 200 000 ou 250 000 euros.
•• Événements, concerts… Comment développer et ouvrir encore plus les hippodromes ?
Guillaume de Saint-Seine : AC/DC donne un grand concert cet été (le 13 août) à Longchamp. David Bowie a joué à Auteuil, j’y étais.
Jean-Pierre Barjon : Les Rolling Stones et Michael Jackson ont joué à Vincennes. À Caen, on travaille à mieux exploiter le site pour en faire un « hippodrome dans la ville » : des commerces, restaurants, un lieu de vie, et pas seulement les jours où l’hippodrome est ouvert aux courses, mais davantage.
•• Prix d’Amérique, Elitloppet au trot, prix de Diane et du Jockey Club au galop : c’est cocorico à tous les étages en cette année 2024…
Guillaume de Saint-Seine : C’est un très beau début de saison, dans la lignée de 2023 marquée par l’invincibilité d’Ace Impact (Arc de Triomphe) resté au haras en France pour la monte. Entre lui, Siyouni et Zarak, 380 juments ont été saillies chez nous. La moitié venant de l’étranger, c’est un vrai impact économique.
Jean-Pierre Barjon : Nous sommes les porte-drapeaux d’une filière qui gagne. Le trotteur français fait rêver partout dans le monde. Quand Idao de Tillard (Prix d’Amérique) lève le pied, Horsy Dream prend le relais (Elitloppet). Mais chaque année est un combat. Il faut chasser en meute.