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31 Oct 2015 | Profession
 

Manifestation Buralistes 22 juilletSous la plume d’Ivan Letessier, Le Figaro de ce 31 octobre consacre un long article sur la fronde des buralistes. Avec la présentation de chiffres très inquiétants d’une étude du cabinet Monitor Deloitte. Nous le reproduisons dans son intégralité.

À quelques jours du retour de la loi Touraine à l’Assemblée nationale, les buralistes remontent au créneau contre le projet de la ministre de la Santé d’imposer le paquet de cigarettes sans logo à partir de mai 2016. Les sénateurs ayant retoqué mi-septembre cette mesure adoptée en première lecture par les députés en avril, un amendement devrait être redéposé en commission des affaires sociales le 9 novembre, avant un examen en séance prévu à partir du 16 novembre.

La Confédération des buralistes organise lundi à 18h30 une mobilisation nationale : 7 000 débitants sont attendus à la Mutualité, à Paris, et dans des salles de Lyon, Nantes, Marseille et Toulouse pour un meeting multiplexe. Les patrons de la CGPME et de la FNSEA, inquiets de l’impact du paquet neutre sur la vie rurale et d’un effet tache d’huile sur l’agroalimentaire, avec un futur code nutritionnel très contraignant, viendront les soutenir.

« Aucun pays limitrophe n’a adopté le paquet neutre », tonne Pascal Montredon, le patron de la confédération, « nous ne comprenons pas pourquoi la France sacrifie ses buralistes au profit des commerces étrangers. Nous nous sentons trahis et abandonnés, d’autant que le gouvernement n’a toujours rien proposé pour nous accompagner ». Les buralistes craignent par-dessus tout que le paquet neutre, qu’ils assimilent à une mesure punitive, ne fasse s’effondrer la valeur de leur fonds de commerce, et que les banquiers rechignent à financer leur reprise. » 1 200 débits de tabac auront mis la clé sous la porte cette année », assure Pascal Montredon, « combien y en aura-t-il l’an prochain ? 2 000 ? ».

• 4 700 commerces sous le seuil de la viabilité

La récente étude du cabinet Monitor Deloitte sur l’impact de la loi Touraine sur la filière des buralistes, commandée par Philip Morris (leader du tabac en France, opposé au paquet neutre) a de quoi justifier cette double inquiétude. Partant de l’hypothèse que la consommation de cigarettes ne baissera pas, Monitor Deloitte prévoit pourtant des effets en cascade du paquet neutre sur l’activité et sur les finances des 25 000 débits de tabac. Pour commencer, celui-ci ferait passer la part des cigarettes achetées sur le marché parallèle – où elles sont moins chères et conserveraient leur logo – de 26 % à 35 %. Ensuite, la baisse de fréquentation des buralistes (qui réalisent 61 % de leurs ventes et de 35 à 50 % de leurs profits avec le tabac) aura un impact sur les ventes d’autres produits : jeux à gratter, PMU, confiserie, presse, bar et brasserie. Monitor Deloitte prévoit par ailleurs, que dans les débits les plus fréquentés, les contraintes logistiques du paquet neutre (allongement de la mise en rayon) fassent perdre des ventes. Enfin, sans logo, les fumeurs risquent de se reporter vers des paquets les moins chers.

Tout cela aboutira à une baisse de 9 à 10 % du chiffre d’affaires des débits de tabac et à une chute de 29 % de leur excédent brut d’exploitation. Le paquet neutre pourrait entraîner de 660 à 860 fermetures de tabac supplémentaires dès la première année, qui s’ajoutent aux 500 fermetures en moyenne chaque année depuis 2010. Le nombre de débits sous le seuil de viabilité économique (résultat net minimum permettant au buraliste de conserver son activité, évalué à 6 400 euros par an) grimperait lui de 3 000 à 4 700.

• Risque pour la retraite des débitants de tabac

« Cela entraînerait une détérioration du tissu économique et social en zone rurale, où les bureaux de tabac jouent un rôle de proximité et de lieu de vie » estiment les auteurs du rapport, qui soulignent que 40 % des débits de tabac sont situés dans des communes de moins de 3 500 habitants et craignent « des répercussions négatives sur la vie des habitants des villages éloignés des grands centres urbains, sachant que 800 des 2 100 relais poste commerçants sont des buralistes … ».

Pour les propriétaires des bureaux de tabac qui survivront à l’arrivée du paquet neutre, la mauvaise nouvelle est financière. Selon les estimations de Monitor Deloitte, la valeur des fonds de commerce des buralistes, calculée en fonction de leur excédent brut d’exploitation, baissera en effet de 25 à 34 %, pour passer en moyenne de 310 000 à 220 000 euros. « C’est une partie de la retraite de ces petits commerçants qui partiraient en fumée » souligne un connaisseur du dossier. « Le nombre de buralistes avec un fonds de valeur supérieur à 300 000 euros baisserait de 40 % », assure le rapport, « la profession pourrait se paupériser ». Cette dimension sociale pourrait compliquer un débat déjà sensible, à quelques semaines des élections régionales.