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3 Mar 2022 | Observatoire
 

Des fleurs, des bijoux, du café, des glaces, du pain, des fruits et légumes, une manucure …  À Marseille, d’anciens kiosques à journaux sont ainsi devenus de petits magasins de proximité. Enquête du Monde sur cette transformation des kiosques. 

Nés en 1857 à Paris, sur les grands boulevards haussmanniens, débordant de titres et ouverts quasiment tous les jours de l’année, ces lieux de vente, confiés à l’origine aux veuves de militaire ou de fonctionnaire pour qu’ils leur procurent un petit revenu, ont vécu l’expansion puis le déclin de la presse papier.

Les départs à la retraite non renouvelés, de trop faibles revenus et, plus récemment, le Covid-19, avec le développement du télétravail et des piétons moins nombreux, ont accéléré leurs difficultés.

•• Il y a deux ans, la Métropole Aix-Marseille-Provence a lancé une série d’appels à projets pour encourager leur reconversion. Il s’agissait de « redynamiser le centre de Marseille, d’offrir des services de proximité et de recréer du lien social dans les différents quartiers », précise un de ses porte-parole.

Dans la cité phocéenne, seuls 41 kiosques, sur les 53 appartenant à la Métropole mais exploités par MédiaKiosk, filiale de JCDecaux, fonctionnent encore. La moitié continue de vendre de la presse, l’autre moitié est passée à tout autre chose. Onze sont totalement fermés, et un est en cours d’attribution.

Une expérimentation qui commence à essaimer ailleurs. « Sur notre parc de 770 kiosques implantés à travers la France, 142 proposent désormais des services en dehors de la vente de presse, une transformation menée systématiquement en concertation avec les villes », précise Marc Bollaert, directeur général de MédiaKiosk.

•• Christian Cô a réuni dans son magasin de poche ses deux passions, « les succulentes et le commerce », en limitant les risques financiers.

Car, comme tous ses collègues entrepreneurs en kiosque, le quadragénaire barbu n’a pas eu besoin d’acheter un fonds de commerce ou de louer un bail commercial. Seule obligation : payer une redevance annuelle à la Métropole, entre 3 000 et 8 000 euros par an, variable selon l’activité, la taille et l’emplacement, à laquelle s’ajoute une commission de 0,5 % sur le futur chiffre d’affaires. Dans son cas, le loyer lui revient à 560 euros par mois, un montant bien en deçà de celui d’un bail commercial. Et ce, pour un emplacement de choix sur la Canebière.

•• Place Edmond-Audran, face à l’église des Chartreux (4e arrondissement), la devanture jaune vif du kiosque Pain Pan attire l’œil. Vincent Biron et Rémi Ceresola, fondateurs d’une boulangerie   100 % bio dans le 6e arrondissement de Marseille, ont installé un dépôt de pain dans les 16 mètres carrés du petit kiosque en novembre 2020.

« On a voulu tenter l’expérience, car notre magasin principal a un succès de fou », raconte Vincent Biron, 38 ans, ancien designer graphiste reconverti dans la boulangerie. « Comme on a un fournil très grand, on savait qu’on était en capacité d’approvisionner le kiosque. » Le premier défi a été l’aménagement intérieur, pour assurer les bonnes présentation et conservation de la marchandise.

Ouvert de 7 heures à 19 heures, ravitaillé trois fois par jour, le petit étal nécessite aussi une logistique et une rotation de personnel importantes. L’absence de point d’eau et de toilettes, la piètre isolation pèsent sur le quotidien de tous les kiosquiers. Mais, au-delà des contraintes, l’implantation dans ce quartier populaire est positive  « d’un point de convivialité et de partage ».

•• Ces surfaces reconverties assurent une visibilité à double tranchant. « Dans un kiosque, il n’y a pas vraiment une porte à pousser, c’est à la fois un avantage et un inconvénient. Les gens passent sans vraiment remarquer qu’on y vend tout à fait autre chose que de la presse », constate Yacine Challal, 40 ans, créateur de la marque de bijoux fantaisie et en laiton recyclé Carré Y.

Ses créations, vendues sur Internet et en boutique, ont trouvé, en mars 2021, un nouvel écrin au 62, La Canebière, à la sortie du métro Noailles, juste en face d’un commissariat, dans un secteur très animé et populaire du centre. Ses clients ? Des 18-25 ans, qui se font plaisir à petits prix (à partir de 19 euros et avec un prix moyen de 59 euros).

•• Mais l’activité commerciale, même en modèle réduit, n’est pas toujours concluante, d’autant que l’expérimentation a commencé dans une période perturbée par la pandémie. En octobre 2020, Juan Ladron de Guevara, jeune entrepreneur engagé de 22 ans, et son père Serge lançaient Gourde for You, un kiosque réhabilité en un espace de vente de gourdes, de journaux et de café, rue de la République (1er arrondissement).

Moins d’un an après, l’expérience a tourné court. « Ce n’était ni le bon moment ni le bon endroit, reconnaît sans regret le jeune homme. Les habitants de ce quartier populaire n’ont pas accroché à notre concept et nous n’avons jamais pu en vivre. » Depuis la fin de l’été 2021, le rideau du petit kiosque est de nouveau tiré.